Les autorités chinoises ont décidé de nouvelles directives : interdire les voyages dans le temps dans les fictions à la télé et au cinéma.
La télévision chinoise à nouveau censurée ? On se souvient déjà des fameuses censures lors de la cérémonie officielle des Jeux Olympiques ou durant le discours d’investiture d’Obama. Mais ce qui nous intéresse ici concerne les voyages dans le temps dans les fictions. En effet, les autorités ont décidé d’interdire les séjours dans le passé qui s’éloigneraient de la réalité historique.
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Le voyage dans le temps nuit-il à l’Histoire ?
Dans une déclaration, datée du 31 mars 2011 (disponible ici en chinois), est mentionné que les productions qui impliquent des personnages voyageant dans le passé « manquent de pensées positives et de sens ». Ainsi, de nouvelles directives auraient pour objectif de limiter la prolifération des films et téléfilms qui « composent négligemment des mythes, ont des intrigues monstrueuses et bizarres, et promeuvent le féodalisme, la superstition, le fatalisme et la réincarnation« .
Selon les autorités, il faut réduire les programmes qui mettent en scène des voyages dans le temps déformant la réalité. La SARFT (State Administration of Radio, Film, and Television) déclare à ce propos : « Producteurs et auteurs traitent l’Histoire d’une façon frivole, qui, désormais, ne devrait en aucun cas être encouragée. »
Hollywood Reporter rapporte les propos du journaliste et critique de cinéma, Raymond Zhou Liming : « La justification (à propos de l’interdiction de voyager dans le temps) donnée est que tout ce qui n’est pas possible dans la vraie vie appartient au domaine de la superstition », précisant également que le voyage dans le temps en littérature ou au théâtre n’est pas condamné par les censeurs.
Selon China Hush, un porte-parole de l’administration culturelle de l’État aurait refusé mardi de donner plus de détails sur les motivations des nouvelles directives.
Des voyages dans le temps de plus en plus présents
Les nouvelles décisions d’interdiction semblent intervenir en réponse à un nombre croissant de programmes populaires dans lesquels les protagonistes se télé-transportent dans le passé. En effet, surtout depuis la fin de l’année dernière, la thématique du voyage dans le passé dans les programmes télévisuels devient un thème de plus en plus populaire.
La plupart des voyages sont inspirés de périodes historiques réelles, mais contiennent également des éléments supplémentaires et exagérés pour être plus attractifs et séduisants. Les autorités chinoises estiment que ces libertés sont irrespectueuses pour l’Histoire.
Hunan TV, petite chaîne régionale née en 1970, connait un succès grandissant et est aujourd’hui devenue incontournable à l’échelle nationale. La chaîne atteint souvent les 30% de marché, ce qui représente plusieurs centaines de millions de téléspectateurs. Hunan TV est avant tout une chaîne de divertissement (sorte d’équivalent à M6 en France dans leur ligne éditoriale) qui diffuse de la télé-réalité, des émissions de variétés et notamment Le Palais : une série télé très populaire où une femme s’amourache d’une peinture de la dynastie Qing (1644-1612), et, suite à un voyage dans le temps, tombe amoureuse de plusieurs princes.
A l’image de ce programme (Le Palais), grand nombre de fictions projettent un personnage dans la Chine ancienne où, après un temps d’adaptation, il finit par trouver l’amour et le bonheur. Les autorités chinoises jugent le contenu exagéré : les histoires sont inventées et déforment la réalité dans un souci d’originalité et de nouveauté.
Comme le note The Hollywood Reporter, le cinéma se tient à l’écart de ces restrictions tant le thème du voyage dans le passé y est peu représenté. Le dernier film chinois majeur traversant ainsi les époques reste The Iceman Cometh en 1989, de Clarence Fok, un remake farfelu d’Highlander avec Yuen Biao et Maggie Cheung.
Infidélité à l’Histoire, mais pas seulement…
Outre le manque de respect à l’Histoire, il est aussi possible qu’un problème politique se dessine en filigrane sous cette décision de contrôle des autorités : la Chine pourrait être effrayée par les fictions ayant recourt à la nostalgie. Pour trouver bonheur et amour, le personnage de fiction doit inexorablement voyager dans le passé. Pourquoi le citoyen chinois ne pourrait pas trouver le bonheur dans son époque actuelle ? Par ailleurs, les nouvelles directives tombent durant l’année du 90ème anniversaire du parti communiste chinois : un symbole fort.
Ces nouvelles directives placent l’auteur de fiction dans une impasse douloureuse : quelles limites pour l’imaginaire ? On songe à Jean-Luc Godard qui parlait ainsi de la télévision française : « J’ai le sentiment d’être dans un pays occupé. Mon pays c’est l’imaginaire et je suis dans un pays qui est occupé par des gens que l’imaginaire n’intéresse pas ». En somme, la Chine ne veut pas d’histoires avec l’Histoire.
Arnaud Hallet
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