Balade dans un Moyen Age sobrement enluminé, humoristique et féministe, courtois et frondeur, anachronique et poétique. “Dans le monde du XIVe siècle, Aliénor rompt avec le destin des filles, pour suivre ce que son désir lui dicte” (dossier de presse). Voilà assez bien résumée la teneur de ce film pour le moins singulier, qui tient […]
Balade dans un Moyen Age sobrement enluminé, humoristique et féministe, courtois et frondeur, anachronique et poétique.
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« Dans le monde du XIVe siècle, Aliénor rompt avec le destin des filles, pour suivre ce que son désir lui dicte » (dossier de presse). Voilà assez bien résumée la teneur de ce film pour le moins singulier, qui tient de la bande dessinée, du drame courtois et de la farce. Bande dessinée : les plans du générique donnent le ton, en inscrivant l’héroïne dans un décor peint à la manière des miniatures du Moyen Age, telles les célèbres Très riches heures du duc de Berry des frères Limbourg, qui sont les ancêtres d’Hergé et Uderzo.
Drame courtois : cette aventure n’est rien moins qu’une histoire de frustration féminine. Ayant voulu outrepasser les prérogatives des femmes de son temps, en se choisissant un époux à sa convenance, la jeune Aliénor se trouvera fort marrie une fois mariée, son époux la fuyant comme la peste sous divers prétextes. Elle devra recourir à la ruse pour conquérir le bel homme. Ce qui nous amène à la farce : La Chambre obscure est une adaptation d’un récit du ludique et libertaire Décaméron de Boccace, fort connu depuis que Pasolini l’adapta au cinéma en 1971. Il va de soi que Marie-Christine Questerbert s’est inspirée de cette adaptation tour à tour madrée, brute et candide du cinéaste italien. Influence notable : le personnage du peintre Ambrogio (Hugues Quester, frère de la cinéaste) qui rappelle beaucoup celui qu’avait lui-même interprété Pasolini, à la manière des artistes d’antan qui se représentaient dans un coin de leur tableau. On peut déceler quelques autres influences, comme celle de Bresson, par une certaine rigidité du cadre et l’interprétation assez distanciée de certains comédiens. Mais ces filiations restent accessoires, et La Chambre obscure possède ses propres particularismes, notamment l’adoption d’un langage absolument contemporain. Cela permet de ménager quelques anachronismes ponctuels qui allègent le propos. (Est-ce l’apport de la fantaisiste Danièle Dubroux qui a participé au scénario ?) Citons par exemple, lors d’un procès, l’exécution d’une peine sous forme de « travaux d’intérêt général ».
D’autres anachronismes interviennent çà et là comme les gants en latex qu’enfile une matrone pour examiner l’hymen de l’héroïne, ou bien les sortes d’organes en tissu rembourré de l’artiste Annette Messager qui décorent curieusement un intérieur du xvie siècle. C’est sûr, le caractère hybride de ce film, ni résolument comique ni franchement grave, nous déconcerte. Mais, là où il y a de la gêne, il y a du plaisir. Et on sait gré à Questerbert, non seulement de plonger sans complexes dans un Moyen Age aussi austère que fantaisiste, mais également de faire jouer à Berroyer un roi fainéant, ou à Luis Rego un prélat, ou bien de nous offrir une vision truculente de la médecine de l’époque. Il y a du Molière chez cette cinéaste.
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