Un thriller français à l’américaine étonnamment réussi, rehaussé de réalisme social.
Le cinéma français singe si mal le genre très américain du thriller gothique avec serial killer que cette Chambre des morts constitue une bonne surprise. D’abord par son casting discret – donc sans Jean Reno –, plutôt “auteuriste”, avec les apparitions de Jean-François Stévenin, Laurence Côte ou de la sublime Nathalie Richard.
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Caméra à l’épaule, la réalisation digère avec application l’efficacité pratiquée outre-Atlantique, de l’enquête obligatoirement scientifique façon Les Experts au décorum sorti du Silence des agneaux, explicitement cité dans le film.
Si l’intrigue principale est convenue – du genre frissons criminels lus l’été sur la plage –, la mise en images est souvent à l’aise avec le macabre et le bizarre. Dans ses meilleurs moments, le film extirpe de son argument (un psychopathe enlève des enfants) les éléments et le climat d’un conte de fées, pris dans sa version primitive, effrayante, avant ripolinage par Perrault.
Heureusement, Alfred Lot ne se prend jamais pour un Kassovitz courant après le bigger than life US (voir Les Rivières pourpres). Son univers de déviances devenues clichés (taxidermie, SM et caves) est vite contaminé par le prosaïsme. Parallèlement au récit “à l’américaine” court en effet une veine réaliste, sous la forme d’une sous-intrigue où deux chômeurs découvrent un magot et s’entre-déchirent.
La Chambre des morts trouve vite son originalité dans ce balancement permanent entre le cauchemar stylisé et le terre-à-terre des paysages ch’tis, des repas de famille et du linge qui sèche dans l’appartement de l’héroïne. Et lorsque se rejoignent l’intrigue serial killer et la veine réaliste, cette dernière – qui vire au fait divers à la Nouveau Détective – paraît par contraste plus effrayante que la première.
Le noir conte de fées devient conte de faits. Dans cet entre-deux, La Chambre des morts trouve une rêveuse éveillée idoine en la personne de Mélanie Laurent : son personnage de Jodie Foster du Nord–Pas-de-Calais est idéalement tiraillé entre le quotidien (dont une scène de douche que l’on ne verra jamais dans un Julie Lescaut) et une mélancolie plus sombre.
Car, sur le modèle des séries télé américaines contemporaines, un mystère plane sur notre profiler mère célibataire. L’énigme sera presque dissipée – d’une manière qui aurait pu être plus subtile –, mais dans le contexte sinistré du film de genre français (un oxymore ?), cette fêlure de l’héroïne a le mérite d’exister. Un conte de fées est aussi le compte des failles.
Léo Soesanto
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