Un thriller clinique sur la folie, qui se distingue par des partis pris formels peu communs.
Typiquement le genre d’objet singulier qui déboule sans crier gare au milieu de l’été et qui, pour cette même raison, risque d’être balayé comme un fétu de paille. Une oeuvre tout à fait inclassable, dont on se dit d’abord qu’elle pourrait être vaguement assimilable au simili-renouveau du giallo qui frémit çà et là en Europe. Mais en dehors de la musique qui pourrait y faire penser, le projet, sans doute plus froid et personnel que les modèles évoqués, est difficilement classable dans un genre précis. Même pour son réalisateur, jusque-là auteur d’oeuvres plus traditionnelles (qui nous avaient échappé), comme La Tourneuse de pages ou Les Cachetonneurs, produites dans des conditions classiques, c’est un travail très à part, une expérience qu’il a assumée totalement seul, y compris sur le plan technique. Cela retentit sur le sujet lui-même et sur le style du film.
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Le sentiment d’isolement qu’il exprime est perceptible aussi bien chez son personnage principal et dans son sujet que dans son filmage, oppressant sinon excluant, puisqu’il gomme radicalement la profondeur de champ. Les zones floues de l’image deviennent une sorte de hors-champ à l’intérieur du cadre, où sont relégués des détails que nous devinons mais ne voyons pas. Cela s’accorde parfaitement avec le thème que Dercourt illustre, un cas de schizophrénie meurtrière : une jeune femme d’une blondeur angélique commet des meurtres pour nourrir sa fille qu’elle croit atteinte d’une grave dégénérescence.
Le cinéaste joue avec cette donnée subjective et avec le réel et le simulacre, sans jamais se départir d’une distance totalement clinique : décors nus, couleurs claires, jeu avec le diaphane et le flou, comme on l’a déjà dit. La froideur du film, qui peut désarçonner, est en même temps son meilleur atout. Quant au flou, il sert surtout à déclencher ou à prolonger la suggestion, notamment dans des scènes gore où le cinéaste montre peu mais fait beaucoup croire (par le biais du son, aussi).
Ce thriller simple et rentré est avant tout remarquable par sa dimension autarcique, non seulement sur le plan de la production et de la réalisation, mais aussi pour son contenu, qui envisage un personnage trouble vivant hors des codes sociaux et s’en recréant d’autres. Si Dercourt se réfère au Franju des Yeux sans visage, nous, nous pensons plutôt à la jeune école berlinoise, qui a également une prédilection pour les fictions anxiogènes et cliniques, style ligne claire, tournées en vase clos. Autrement dit, un ton qui tranche, au figuré comme au propre, dans la production hexagonale.
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