En vieillissant, le provocateur Ferreri perd de sa folie, devient plus ordinaire et peine à choquer le bourgeois.
Marco Ferreri fait partie de ces cinéastes cultes qu’on aime par pur principe,
avec une bonne dose de mauvaise foi, juste parce qu’ils sont de la race des anarchistes indomptables, débordants d’idées farfelues. Le provocateur italien a toujours réussi à séduire son monde par ses seules intentions, des idées souvent géniales. Même si le résultat est toujours un peu raté, ça fonctionne, surtout à la fin des années 70, quand le maître orchestre un bon gros scandale. Car chez lui, le scénario flirte toujours avec un fantasme qui renvoie la société bourgeoise à son caca. Ca peut être bouffer à en crever (La Grande Bouffe, en 73) ou tomber amoureux d’un porte-clé (I Love You, en 86). Il suffit de survoler le synopsis de n’importe lequel de ses films pour s’enthousiasmer.
Et Ferreri finit par imposer sa désinvolture, ses jeux de massacre pipi-caca. Mais à la fin des années 80, bien des tabous sont tombés. Faire scandale devient difficile et le prestige du cinéaste s’effrite. Normal. Pour preuve, La Chair, une idée houellebecquienne, la tragédie de l’homme, cet animal burlesque.
Un architecte moche tombe amoureux d’une femme sublime. Mais ce qui éveille l’amour, ce n’est pas un idéal spirituel à partager, c’est une triste faim de chatte et de nichons. Il la séduit, la dévore et va se coucher dans la niche du chien en pleurnichant. Les provocations censées faire sursauter les spectateurs font flop. Car il manque ce solide Viagra qui donne la trique à n’importe quel film : un sens de la mise en scène. Résultat, entre mélo poussif et comédie italienne bavarde, cette Chair a le bide moribond d’un provocateur sénile.
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