La Captive aux yeux clairs (titre français de The Big sky, pour une fois très inspiré) est avec Ligne rouge 7000 le plus beau film d’Howard Hawks. Un de ceux où l’auteur de Rio Bravo parvint à s’affranchir de ses obsessions adolescentes pour mieux les surmonter, s’interroger sur leur nature et exprimer une certaine incomplétude, […]
La Captive aux yeux clairs (titre français de The Big sky, pour une fois très inspiré) est avec Ligne rouge 7000 le plus beau film d’Howard Hawks. Un de ceux où l’auteur de Rio Bravo parvint à s’affranchir de ses obsessions adolescentes pour mieux les surmonter, s’interroger sur leur nature et exprimer une certaine incomplétude, lui, le cinéaste de l’évidence (selon la formule de Rivette), de l’exaltation de la pure fonctionnalité du monde et de la souveraineté d’une action qui n’a de compte à rendre qu’à elle-même. Réalisé en 1952, le film est écrit par Dudley Nichols (un des scénaristes préférés de John Ford) et raconte, parfois sous une forme très littéraire la voix off d’un des protagonistes , l’équipée de trois trappeurs (l’éternel trio formé par l’homme mûr, le jeune homme et le vieillard) accompagnant la remontée d’un navire jusqu’aux sources du Missouri afin de faire du commerce avec les tribus indiennes qui s’y trouvent. Le récit débute par la naissance de l’amitié entre les deux héros, relation initiée à coups de poing et construite progressivement par l’agir pur (les mouvements, les déplacements, les regards) des personnages. Jamais autant que chez Hawks ne s’est vérifiée l’affirmation de Merleau-Ponty selon laquelle « pour le cinéma, (…) le vertige, le plaisir, la douleur, l’amour, la haine sont des conduites ». Tout cela est dans The Big sky mais plus encore, bien sûr, le désir. Car il faut voir d’abord Dewey Martin, torse nu en pantalon de cuir, affoler Kirk Douglas. De surcroît, le bateau emmène une princesse indienne dont la présence tourmente les sens frustrés de l’équipage. Lorsque, par deux fois, la passagère, incarnée par la très belle Elisabeth Threat, traverse le campement, la première fois sous les regards muets des marins, la seconde fois au son d’une chanson mélancolique chantée par ceux-ci, on se dit qu’on n’a jamais vu une image aussi terrible de la solitude des hommes sans femmes. C’est en cela que The Big sky dépasse les obsessions traditionnelles des personnages du cinéaste, terrifiés par l’idée que les femmes sont des pièges qui vous éloignent à jamais de la communauté des hommes. Dans la décision finale de Dewey Martin, qui préfère vivre au milieu des Indiens avec la femme qu’il aime au lieu de rester avec son copain, il y a tout le passage de l’âge adolescent à l’âge adulte.
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