L’auteur de Vincere signe un drame sur la fin de vie en forme de portrait politico-sociétal de l’Italie.
Dernier représentant en activité de la “génération intermédiaire” des grands cinéastes italiens (entre l’âge d’or des Fellini et tutti et les années Moretti), Marco Bellocchio continue de tourner régulièrement, ce qui relève déjà d’une sorte de miracle au pays de Berlusconi. Et en plus, de bons films.
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Après s’être intéressé aux années de plomb de l’ultragauche (Buongiorno, notte), puis aux années Duce (Vincere), Bellocchio s’empare ici d’un fait divers récent qui avait mis le feu à la Botte : le cas d’une jeune femme plongée dans le coma pendant 17 ans et dont le père avait demandé l’autorisation judiciaire de mettre fin à cette vie légumière. S’en était suivi un méga débat de société opposant pro-life et partisans de l’euthanasie sous contrôle judiciaire et médical.
Le cinéaste a repris cette histoire et l’a enrichie en y adjoignant celles, fictives, d’une actrice qui espère le réveil de sa fille et d’une femme qui veut se suicider mais à laquelle s’oppose un médecin. A partir de ce panorama sur la fin de vie, Bellocchio dresse le portrait politico-sociétal de son pays mais ne prend pas parti, représentant tous les points de vue avec la même attention et le même temps filmique.
Il montre une société écartelée entre son héritage catholique et la modernité, société parfois au bord de l’implosion, rejoignant ainsi l’un des thèmes récurrents de son cinéma : la folie. Pour autant, La Belle Endormie n’est ni un film sèchement théorique ni un pudding emphatique (parfois la tentation de Vincere) : le scanner sociétal passe par des personnages extrêmement vivants, incarnés par de très grands acteurs (Servillo est bien en député fourbu, Huppert est comme toujours impeccable dans une partition less is more, Maya Sansa est sublime…).
Et plutôt que de trancher en faisant un film “Dossiers de l’écran”, Bellocchio laisse ouverte la question de la fin de vie, préservant ainsi le mystère de l’existence et de la mort. S’il n’est pas un inventeur de forme comme Antonioni ou d’univers comme Fellini, Bellocchio est un classique moderne qui atteint ici le parfait point d’équilibre entre dramaturgie classique, regard sociétal, réflexion politique et questionnement métaphysique. La Belle Endormie est signé par un (toujours) bel éveillé.
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