Une comédie satirique qui, incapable de tenir ses promesses, finit par sentir le réchauffé.
Après une sortie américaine plus que mouvementée, L’interview qui tue, horrible traduction du titre américain, arrive en France un mois après sa sortie aux Etats-Unis. Mais l’attente, forcément décuplée par cette ahurissante auto-censure, sera-t-elle récompensée ? Le film n’est pas tout à fait à la hauteur des attentes, sans être non plus la catastrophe annoncée par quelques médias américains. L’argument du film, connu depuis belle lurette et archi-commenté depuis quelques jours, est simple: un présentateur vedette (James Franco, version hipster de Ron Burgundy) et son producteur (Seth Rogen, égal à lui-même) partent en Corée du Nord interviewer Kim Jong-un, fan de leur show racoleur, avec en sus la mission secrète de l’assassiner. Nul besoin de taire la résolution, apparemment discutée aux plus hauts sommets de l’Etat américain et déjà disponible en ligne dans sa version gore non-censurée : les deux compères lui déchirent sa tête à cet enfoiré de tyran. Bon.
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Avant d’en arriver à cette sanglante conclusion, Kim Jong-un aura toutefois existé pour la première (et dernière ?) fois en tant que personnage de fiction, grâce au talent de son interprète, Randall Park, qui constitue la meilleure surprise du film. Aperçu ici (Cinq ans de réflexion) ou là (la série Veep), le comédien compose un dictateur au fond assez émouvant, grand enfant gavé de hamburgers et de pop-culture américaine, qui aurait bien troqué son maléfique héritage familial contre un dribble ou deux avec une star décatie de la NBA. Il trouve en James Franco un partenaire idéal, ce dernier excellant toujours lorsqu’il s’agit jouer les demeurés. Leurs scènes communes sont ainsi ce que le film a de mieux à proposer — à l’exception d’une hilarante fausse interview d’Eminem, au début du film, qui mériterait de sortir en tant que sketch autonome.
Pour le reste, Seth Rogen, Evan Goldberg et leur scénariste (débutant) Dan Sterling ne se sont pas foulés, plaquant paresseusement sur leur comédie d’espionnage l’habituelle recette de la bromance, le tout agrémenté d’une satire inoffensive des médias. Même si l’univers du film, avec ses innombrables symboles phalliques (missiles, canons…) se prête bien à cet humour, il est quelque peu lassant de voir Rogen s’enfiler des trucs dans le rectum, ou Franco faire semblant d’être homo “mais en fait non, beurk !”.
This is the end, leur précédent (et premier) long-métrage, constituait un point-limite de ce comique-ci, dépenaillant ses petits soldats pour les livrer, nus, au regard sans complaisance de la foule. C’était magnifique — ou déjà insupportable pour certains —, mais il était clair qu’au-delà, toute nouvelle incursion dans le genre prendrait le risque d’être répétitive, et toute nouvelle mention de la phrase clé “I Love You Man“, celui de sonner faux, voire aigre. C’était déjà le problème de Nos pires voisins (rattrapé néanmoins par le sens du gag de Nick Stoller), ça l’est à nouveau ici, de façon encore plus flagrante.
Lorsqu’on lui demande le principal enseignement qu’il a retenu de Judd Apatow, Seth Rogen répond: “Stay true to yourself“, reste fidèle à toi-même. C’est un judicieux conseil. On aurait juste aimé qu’il ne le confonde pas avec cet autre, nettement plus mortifère : “ne change surtout pas“.
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