Retraçant la traque et le procès de Guy Georges, « L’affaire SK1 » serait sans grand intérêt si le film ne multipliait les coïncidences et les rapprochements avec les attentats du 7 janvier. Autant de hasards qui finissent par créer un trouble saisissant.
De prime abord, L’affaire SK1 a tout pour nous laisser de marbre. Une esthétique télévisuelle sans idée de cinéma, des dialogues creux, une interprétation emplie des clichés du genre et une trame à la Faites entrer l’accusé en font un film a priori assez ennuyeux, malgré l’excellente interprétation d’Adama Niane dans le rôle de Guy Georges.
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Mais cette lassitude qui pourrait nous assaillir se transforme au fur et à mesure en un trouble suivi d’une émotion très forte, rare et entièrement liée au contexte actuel des attentats. Elle est amorcée dès la première scène, quand le personnage principal, l’inspecteur Franck Magne, est rebaptisé par ses collègues du 36, quai des Orfèvres à l’occasion de son entrée dans les prestigieux bureaux. A l’annonce de ce nouveau prénom, une rumeur parcourt les spectateurs et pour cause ; il sera Charlie. De plus, il fera équipe avec une collègue répondant au nom de Coco !
Plus loin, on assiste aux attentats de Saint-Michel qui se sont produits pendant l’enquête ; des morts, des blessés, des cris, les sirènes des ambulances et des voitures de police qui sillonnent Paris. A ce moment, chaque spectateur ne regarde plus vraiment le même film que celui qu’il aurait pu voir avant le mercredi 7 janvier vers midi. La suite confirme cet étrange sentiment. En arrière-plan de la traque de Guy Georges se déroule une autre chasse, celle des terroristes dont on apprend par des images de journaux télévisés insérées dans le film qu’ils ont été tués par la police. Enfin, au moment où les forces de l’ordre sont sur le point d’attraper le tueur en série, la presse fait l’erreur de diffuser son identité, comme ce fut le cas il y a quelques jours.
La moitié du film est centrée sur l’enquête de la police, représentée avec sérieux et minutie. Or, qu’avons-nous fait ces derniers jours sinon assister à ce travail de recherche, déversé en flux continu sur nos écrans ? L’autre moitié s’attache à montrer le travail de la justice, cette fois. On suit le procès de tueur de l’Est parisien, capturé, lui, vivant, durant lequel ses avocats vont, comme on pouvait s’y attendre, tenter de dévoiler la part d’humanité qui se cache derrière le monstre présent dans tous les esprits.
Ce jeu de coïncidences et de correspondances serait bien vain s’il ne créait une émotion unique. A travers ces résonances dues au hasard entre un film et l’actualité, c’est le sentiment de traumatisme qui rend L’affaire SK1 passionnant et presque cathartique. En s’emparant du traumatisme généré par Guy Georges, le film de Frédéric Tellier rejoint notre traumatisme présent, vertigineuse et surprenante appropriation qui fait du film une expérience de cinéma intense et émouvante.
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