Blockbuster européen produit par Luc Besson, le nouveau film de Thomas Vinterberg nous plonge dans la tragédie du sous-marin russe K-141 Kursk. Malgré une certaine aptitude à représenter la claustrophobie propre au genre, « Kursk » est un film fade, lourd et lâche.
« Luc Besson présente » : le premier nom s’affichant sur l’écran annonce la couleur du film qui suivra. Car Kursk vise le statut de blockbuster européen cher à l’auteur de Lucy (2014). Dans ce projet à la prégnante odeur de commande, un danois (Thomas Vinterberg) y dirige une française (Léa Seydoux, enceinte jusqu’au cou), un belge (Matthias Schoenaerts, son énième rôle viriliste) et un britannique (Colin Firth) pour raconter un drame russe en langue anglaise. Passé le léger ridicule produit par l’association d’une galerie de prénoms russes prononcés dans la langue de Shakespeare, on embarque à bord du Kursk pour son ultime mission.
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Inspiré de faits réels et basé sur le livre d’enquête de l’historien Robert Moore, le film raconte la tragédie du sous-marin nucléaire russe K-141 Kursk. Le 12 Aout 2000 en pleine mer de Barents, il s’apprête à lancer une torpille d’entrainement dans le cadre d’un vaste exercice visant à démontrer la puissance de la flotte russe. Mais un grave problème technique déclenche l’explosion de la torpille alors qu’elle est encore dans la salle des munitions. Cette explosion en entraîne une autre, beaucoup plus forte, qui détruit une bonne moitié du submersible. Sur les 118 officiers, seuls 23 survivants parviennent à se réfugier à l’arrière du sous-marin, en espérant la venue des secours.
Alors que Thomas Vinterberg et Lars Von Trier sortent chacun un film à quelques semaines d’intervalle (Kursk et The House that Jack Built), il est intéressant d’observer les routes absolument opposées qu’ont prises les deux créateurs du Dogme95 (cette charte cinématographique idéaliste prônant une totale sobriété formelle et refusant tout artifice). Si Lars affirme sa singularité envers et contre tout, à commencer par la moral, Thomas s’efface un peu plus à chaque film. Depuis Festen (1998), son premier film, sa filmographie ressemble à un lent processus d’édulcoration, à l’exception de Submarino (2010) et de La Chasse (2012), même si l’intérêt de ce film tient plus dans la performance de Mads Mikkelsen que dans sa balourde réalisation.
Balourd, Kursk l’est au moins tout autant. Son récit de sauvetage construit en montage alterné (les survivants bloqué sous l’eau, les familles restées à terre et les secouristes en mer) est d’un ennui abyssal. Les effets spéciaux limités et le changements de formats en cours de films donnent à Kursk un aspect grossièrement coquet de luxueux téléfilm. Dans ce naufrage, on sauvera cependant certaines séquences claustrophobiques à l’intérieur de l’habitacle du sous-marin. Caméra à l’épaule et au plus près des visages, la réalisation frôle un procédé qui aurait mérité d’être étendu à tout le film. Mais alors qu’un partage du sensible de l’agonie des marins commence à affleurer, les aller-retours incessants avec l’extérieur nous ramènent à l’encéphalogramme plat. En définitive, Vinterberg ne sait rien filmer d’autre que le faux suspense étiré du sauvetage des survivants.
Restent deux clins d’oeil extra-textuels au film ; sa séquence d’ouverture qui rappelle le petit garçon plongeur du début de Le Grand Bleu (1988) et lorsque qu’un des sauveteurs russes dit que s’ils ne disposent que d’un seul sous-marin de sauvetage, c’est parce qu’ils ont vendu l’autre aux américains pour qu’ils fassent visiter le Titanic aux touristes fans du film de James Cameron. D’ailleurs, le seul argument fort de Kursk est de célébrer le triomphe du capitalisme technologique occidental face à un empire russe alors vieillissant. Le film se place du coté des vainqueurs de la Guerre Froide pour faire passer le gouvernement russe de l’époque pour incompétent, menteur et cruel envers ses troupes. Il présente l’équipement soviétique comme obsolète et défectueux. Tout le contraire des alliés de l’OTAN qui sont généreux, parfaitement organisés, humanistes et technologiquement à la pointe.
Mais même cette dimension politique rabâchée à gros trait ne va pas jusqu’au bout. En oubliant volontairement de mentionner Vladimir Poutine, alors Président de la Fédération de Russie et donc responsable de la façon dont son Etat major à gérer cette crise, Vinterberg (et sans doute Luc Besson qui ne veut pas prendre le risque de se mettre les russes à dos) ôte tout courage à sa prise de position.
Si vous avez des envies de profondeur, on vous conseille donc de rester chez vous et de regarder Das Boot de Wolfgang Petersen (1982), Abyss de James Cameron (1989), 20 000 Lieux sous les mers de Richard Fleischer (1954) ou même A la poursuite d’Octobre rouge de John McTiernan (1990).
Kursk de Thomas Vinterberg (Fra., Lux., Bel., Dan., 2018, 1h57) avec Colin Firth, Léa Seydoux et Matthias Schoenaerts
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