Krim est une fiction étrange, soumise à la perception déformante d’un personnage décalé. Doux euphémisme: Krim n’est pas vraiment un film policé à l’esthétique planifiée. Dans le genre mal foutu, traversé de courants contradictoires, le premier film d’Ahmed Bouchaala se pose là. Mais c’est précisément pour cela qu’on l’aime bien: pour ses risques et ses […]
Krim est une fiction étrange, soumise à la perception déformante d’un personnage décalé.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Doux euphémisme: Krim n’est pas vraiment un film policé à l’esthétique planifiée. Dans le genre mal foutu, traversé de courants contradictoires, le premier film d’Ahmed Bouchaala se pose là. Mais c’est précisément pour cela qu’on l’aime bien: pour ses risques et ses tentations assumées, pour sa folie sincère qui ose un improbable cocktail d’onirisme et de réalisme aride.
Disons d’abord pour évacuer les parallèles sommaires que Krim n’a pas beaucoup de points communs avec La Haine. Le film a beau batifoler, entre autres, dans les banlieues, ses personnages, eux, n’ont rien à voir avec les trois loustics de Kassovitz. On ne verra donc dans cette concordance temporelle qu’un hasard de distribution plutôt malencontreux. Les gros ayant toujours la fâcheuse manie d’écraser les petits et les gazettes confondant systématiquement ce type de films avec les sujets société, Krim risque d’y laisser des plumes. Pourtant, il mérite mieux que les raccourcis faussement malins qui noient tout et son contraire dans un magma thématique.
Krim raconte donc l’histoire de Krim, un Beur qui sort de prison après seize ans d’incarcération pour avoir zigouillé sa femme. En taule, Krim s’est lié d’amitié avec un vieil anar (interprété, surprise, par Philippe Clay), fanatique de Léo Ferré comme il se doit, à qui il a promis d’envoyer des cassettes audio, histoire de lui raconter par le menu à quoi ressemble la liberté. Seulement voilà: une fois dehors, Krim ne reconnaît plus rien. Sa frangine joue à la parfaite midinette française, sa fille a disparu, sa cité HLM va être incessamment détruite. Le film suit la lente et progressive réacclimatation du personnage au monde qui l’entoure. Avec pas mal de rudesse – omniprésence de la came – et beaucoup de tendresse pour les personnages. Et, en filigrane, la belle idée que l’utopie peut et doit s’incarner dans la vraie vie d’ici-bas.
Une oeuvre stimulante pour sa domestication progressive de la réalité par un personnage en pleine panade perceptive : entre cauchemar patent et douleur éveillée. Alors, évidemment, comme il se risque pour son premier film à conjuguer les brûlures de l’époque et des visions intérieures troubles, Bouchaala se plante par intermittences : ralentis inutiles, effets pas toujours heureux. Cela dit, Krim reste un film gonflé et singulier comme on rencontre encore trop rarement.
{"type":"Banniere-Basse"}