Le retour en grâce d’un cinéaste d’horreur révélé il y a dix ans par le très culte Hostel.
Vues aériennes des beaux quartiers de Los Angeles. Villas luxueuses à perte de vue. La caméra en choisit une et nous y fait pénétrer. Puis, dans un suave travelling que n’aurait pas renié David Fincher, elle s’avance dans un couloir et nous en expose la décoration : des œuvres d’art suffisamment kitsch pour valoir une fortune, des murs couverts de photos d’un couple avec enfants, affichant leur bonheur repu.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les murs sont propres, mais au fond, ils dégoulinent déjà. La caméra finit par entrer dans la chambre à coucher de ce couple, en train d’essayer de faire l’amour, en vain, avant d’être définitivement interrompus par leurs mioches – c’est la fête des pères. Ce plan de traverse, qui reviendra régulièrement tel un serpent de mer, contient en lui la totalité du film. Le dégoût face à cette conjugalité niaise, Eli Roth ne va avoir de cesse de le nourrir – de le gaver même, le terme correspondant mieux au style outré du cinéaste.
Lorsqu’on goûte au fruit défendu, il faut payer l’addition
Très vite en effet, le brave époux, architecte coolissime campé par Keanu Reeves (convaincant tant qu’il n’a pas à parler, et surtout pas à hurler, exercice où il se révèle calamiteux), se retrouve à la maison sans femme ni enfants, mais en compagnie de deux ravissantes succubes (Lorenza Izzo, épouse de Roth à la ville, et Ana de Armas) à qui il a commis l’imprudence d’ouvrir la porte en pleine nuit.
Dans une séquence étonnamment bien mise en scène (pour Eli Roth), les deux tentatrices tombées du ciel persuadent leur proie de coucher avec elles. Dès lors, tout comme jadis les visiteurs psychopathes de Funny Games (qu’il est ironique de voir cité par le héraut du torture porn décomplexé), il lui sera impossible de s’en débarrasser : lorsqu’on goûte au fruit défendu, il faut payer l’addition.
Un délectable jeu de massacre
Il serait erroné de prendre Knock Knock pour un tract puritain : si chez Roth – qui n’avait rien réalisé depuis le second volet d’Hostel en 2007, si ce n’est le nanardesque Green Inferno en 2013, qui sortira en VOD sous peu –, le sexe est toujours synonyme de sang, il utilise au contraire cet inévitable fond idéologique du genre pour le retourner.
Le tort ici n’est pas d’avoir commis un adultère (en l’occurence inévitable), mais plutôt de ne pas l’avoir fait avant ; de s’être laissé entraîner dans cette vie bourgeoise et parfaitement creuse, aussi creuse que les immondes sculptures en plâtre qui ornent la demeure. Même si, une fois qu’il a brillamment posé ses enjeux, Eli Roth retrouve ses penchants sagouins (et sa terrible direction d’acteur), il réussit là un délectable jeu de massacre qui le replace sur la carte de l’horreur.
{"type":"Banniere-Basse"}