Au revoir les enfants. A travers l’amitié de deux hommes restés en enfance, Ouedraogo parle de l’Afrique et de la nécessité de grandir. Premier film de Ouedraogo tourné en langue anglaise, au Zimbabwe, pour des motifs d’élargissement culturel autant qu’économique, Kini & Adams est le récit d’une relation d’amitié entre deux hommes : Kini et […]
Au revoir les enfants. A travers l’amitié de deux hommes restés en enfance, Ouedraogo parle de l’Afrique et de la nécessité de grandir.
Premier film de Ouedraogo tourné en langue anglaise, au Zimbabwe, pour des motifs d’élargissement culturel autant qu’économique, Kini & Adams est le récit d’une relation d’amitié entre deux hommes : Kini et Adams, donc, retapent une vieille voiture en pièces détachées, se racontent de bonnes blagues, urinent allégrement dans les roseaux de la savane bref, deux grands gamins respirant à pleins poumons la liberté de leur splendide campagne africaine. Peu à peu, cette belle amitié enfantine sera menacée par les femmes (Kini est marié et père de famille, Adams nouera une relation orageuse avec une prostituée) et par le travail (la reprise d’un grand chantier dans la région). Au fond, le sujet de Ouedraogo est ici l’enfance et son corollaire, le passage à l’âge adulte. Mais au-delà de l’immaturité de ces deux personnages se dessine un projet plus ample : l’enfance et la maturité de l’Afrique tout entière. A cet égard, la voiture en kit d’occasion est l’allégorie parfaite (jusqu’à en devenir un tantinet insistante) d’un continent en panne, autant par manque de moyens les morceaux de Rover rouillée résument tout le legs des ex-puissances coloniales à l’Afrique que par l’insouciance de ses habitants ou la pusillanimité de ses autorités.
Le film est ainsi structuré dialectiquement en deux lieux chargés de signification symbolique : d’un côté, un paysage westernien, étendue de nature à l’état pur où gambadent buffles et chevaux et où vivent nos héros ; de l’autre, la carrière de pierre, son aridité et sa poussière, ses machines et ses casques, ses règles contraignantes et sa corruption, où travaillent les protagonistes. Comme dans un western classique, Kini & Adams (le film autant que les personnages) est ainsi clivé entre un ordre ancien, primitif, naturel qui renvoie à une idée de la liberté et de l’enfance, et une avancée de la civilisation avec ses machines, ses bienfaits économiques, ses lois mais aussi son lot de problèmes nouveaux.
Si le scénario semble vouloir dire que le monde moderne n’apporte avec lui que de mauvais germes qui corrompent un état bon et naturel de l’homme, la mise en scène est plus partagée, Ouedraogo filmant avec la même splendeur la savane et le chantier. Une indécision entre utopie et réalisme qui se reflète aussi dans son traitement des personnages féminins : les femmes sont ici plus fortes et pragmatiques que les hommes, mais leur maturité bousille le binôme rêveur formé par Kini et Adams. Le film reflète ainsi ce qu’on suppose être un déchirement pour le cinéaste : Ouedraogo sait que l’Afrique doit grandir, car c’est par la maturité économique et politique qu’elle s’affranchira de ses nombreuses tutelles colonialo-paternalistes (son choix de la langue anglaise va dans ce sens), mais il semble aussi regretter que cette évolution ne puisse se faire qu’au détriment d’une certaine part d’enfance.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}