Obstinée et passionnée, Kimberley Peirce mit cinq ans à réaliser son Boys don’t cry, film à demi réussi sur la tragédie d’une femme qui se voulait homme.
Silhouette décidée sous ses vêtements hors-genre, Kimberley Peirce secoue la main qu’on lui tend avec efficacité. Et moulée dans un débardeur en strass, lâche son nom d’une voix presque masculine : « Hi, I’m Kim« . Il aura fallu plus de cinq ans pour que cette jeune femme, fraîchement sortie de l’université de Columbia, puisse enfin trouver les financements nécessaires à son premier long-métrage, Boys don’t cry. L’histoire tragique de la jeune Teena Brandon qui quitta sa ville natale pour devenir Brandon Teena, avant de mourir assassinée par deux idiots ivres de violence homophobe.
Film militant, dont Peirce fit une affaire personnelle au point de retrouver et de rencontrer les survivants de ce drame haineux, un fait divers réel qui remonte à l’année 93. Mais la recherche des fonds fut si dur, qu’au lancement du projet, le comptable la mit en garde contre l’achat d’un billet d’avion pour faire venir auditionner l’actrice new yorkaise Chloë Sevigny, au Texas, où se trouvait l’équipe du film.
« Cette dépense était énorme pour nous se souvient-elle. J’ai préféré l’engager sans la tester« . Question d’intuition et de regard inné sur la justesse physique des acteurs.
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Aujourd’hui Kimberley reçoit dans une suite de l’hôtel Plaza-Athénée, avenue Montaigne. Sa justesse de ton et la clarté cultivée de son propos réconcilient avec un film trop lourd, trop lacrymal, monument trop éploré érigé en souvenir du martyr de Teena/Brandon. Des maladresse de style liées à l’intention peut-être trop ouvertement politique du film, uvre consciemment et volontairement éducative, prêchant contre l’hystérie homophobe. Au vu du succès critique du film et des entrées à prévoir au Box Office du fait de sa réussite aux oscars, Kim la combattante se dit finalement pas peu fière d’avoir en grand partie, réussie sa tâche. L’actrice principale du film, Hillary Swank, vient de recevoir l’oscar du meilleur rôle féminin, et trône depuis quelques jours en couverture du mensuel new-yorkais Interview, véritable piège à filles tendance.
Il y a quelques années, déjà passionnée par le corps et ses mutations, Kimberley avait exposé des photos de lutteurs sumo, de geishas et de yakusas, prises au Japon. Aujourd’hui elle vit à New York, dans l’East Village, sa base stratégique et sentimentale, fine intellectuelle ne cachant pas sa sensibilité physique confinant à la vulnérabilité : « Le soir des oscars, j’étais tellement surprise et émue qu’Hillary soit récompensée, que j’ai perdu le contrôle de mon corps. Pendant quelques secondes, il fut tout engourdi. Je ne ressentais plus rien. puis j’ai retrouvé mon état normal « .
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