Retour au classicisme hérité du kabuki pour le troisième volet de « Jap’horror ». Hélas, figé par l’enjeu, Hideo Nakata ne produit qu’une pâle resucée de ses modèles.
Dernier volet de la trilogie Jap’horror, Kaidan, qui n’est pas un remake du célèbre Kaidan, alias Kwaidan (titre occidental), de Kobayashi, se réfère néanmoins au film de fantômes traditionnel, présent dans la cinématographie nipponne depuis quasiment ses origines. Il est issu du théâtre kabuki, friand d’apparitions spectrales et de visages pâles. L’adaptation d’une pièce du XIXe siècle, Yotsuya Kaidan de Namboku Tsuruya, a donné lieu à une dizaine d’adaptations qui, malgré des variantes stylistiques, reprennent les mêmes séquences, les mêmes gestes. On se souvient notamment des versions de Misumi, maître du chambara, de l’expressionniste Nakagawa, et du subtil Toyoda. Depuis ses débuts, Nakata s’inscrit dans cette tradition, dont il a repris certaines figures, signes, décors emblématiques. Par exemple l’eau omniprésente et la chevelure féminine fétichisée. Avec Kaidan, le cinéaste désirait rendre l’hommage au genre plus explicite en réalisant un vrai film en costumes, un « jidai-geki », histoire de samouraï mâtinée de spectres (« kaidan-eiga »). En l’occurrence une adaptation d’un vieux roman d’Enchô Sanyutei – déjà illustré par Nobuo Nakagawa il y a cinquante ans –, qui repose sur une malédiction familiale : un samouraï assassine un masseur (puis jette son corps dans un marais) ; puis le fils de celui-là tombe amoureux de la fille de celui-ci. A partir de quoi un crescendo de tromperies, d’horreurs et de revenants maléfiques, s’amorce, accomplissant la vengeance fatale (et totale) du masseur. Si le matériau de départ est d’une séduisante complexité, le hic c’est la réalisation. Nakata, qui induisait adroitement le trouble puis l’effroi dans un contexte contemporain (Ring, Dark Water), reste trop terre à terre dans son traitement de la légende historique. Ses héroïnes (il y en a une flopée) sont plus girondes les unes que les autres, mais cette beauté n’est pas contrebalancée par des choix suffisamment expressifs du décor, de l’image. En bref, ce film manque cruellement d’atmosphère, de clairs obscurs, de contrastes. Notamment dans les scènes de nuit, aux antipodes de la noirceur romantique de Nakagawa. De plus, Kaidan pâtit d’un emploi paresseux et bâtard des effets numériques, contredisant l’option de départ : le retour au classicisme. Au lieu de faire apparaître des serpents virtuels au plus fort de l’action, Nakata aurait dû recourir aux moyens artisanaux des années 1950. Seules les scènes de corps à corps dépassent les modèles ; on voit que le cinéaste n’a pas oublié ses années d’assistanat sur des films érotiques.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}