Sélection officielle Après Devarim et Yom yom, Kadosh vient boucler la trilogie d’Amos Gitai : trois films, trois grandes villes, trois histoires traversant les enjeux les plus importants de la vie contemporaine en Israël. Après les impasses existentielles des quadras de Tel-Aviv tiraillés entre tradition et modernité, après la schizophrénie d’un judéo-arabe d’Haïfa, Kadosh se […]
Sélection officielle Après Devarim et Yom yom, Kadosh vient boucler la trilogie d’Amos Gitai : trois films, trois grandes villes, trois histoires traversant les enjeux les plus importants de la vie contemporaine en Israël.
Après les impasses existentielles des quadras de Tel-Aviv tiraillés entre tradition et modernité, après la schizophrénie d’un judéo-arabe d’Haïfa, Kadosh se concentre sur la communauté ultra-religieuse d’un quartier de Jérusalem. Plus particulièrement sur les mésaventures de deux sœurs, Rivka et Malka (Yaël Abecassis et Meital Barda, deux superbes femmes et deux grandes actrices), confrontées aux rigueurs d’une pratique extrême de la religion juive. La première est amoureusement mariée à Meir, mais le couple souffre d’un problème de stérilité. La Loi intimant de procréer, le rabbin intégriste ordonne la dissolution du couple et le mariage de Meir à une autre femme. De son côté, Malka doit subir un mariage arrangé avec l’assistant du rabbin alors qu’elle est amoureuse de Yaakov, un chanteur qui a quitté la communauté pour rejoindre la société « civile et laïque ».
Dans la première partie de son film, Gitai (qui est, pour résumer vite, un laïc de gauche) observe cette communauté en cinéaste, sans jugement, s’attachant à regarder leurs gestes, leurs rituels, leurs prières et leurs échanges théologiques au plus près, de façon quasi documentaire. Il faut savoir que Gitai a tourné dans les lieux réels, dans les locaux d’une école religieuse normalement interdite aux « autres », particulièrement aux « preneurs d’images ». L’affaire prend un tour ironique particulièrement savoureux quand on sait que le rabbin ultra est joué par Yussef Abu Warda, célèbre acteur palestinien ! Toujours est-il qu’au fur et à mesure, et sans que Gitai ne modifie d’un iota son système de plans-séquences laconiques, le film devient de plus en plus critique, la religion vécue de façon obsessive révèle sa vraie nature : un système aliénant qui opprime en priorité les femmes (comme d’habitude), une pathologie obsessionnelle qui brise les aspirations humaines les plus élémentaires (l’amour, par exemple) et qui oblitère les corps.
Cette critique est dite par les événements écrits dans le scénario (ordres et sermons du rabbin, coït nuptial sauvage, scène de tabassage de la femme par le mari…), mais elle est surtout montrée par la mise en scène. Gitai a opté pour une dominante de gros plans, manière d’évacuer du cadre ce que les ultra-orthodoxes évacuent de la vie : le corps. Ce choix du resserrement visuel renforce par ailleurs le sentiment d’enfermement physique et spirituel vécu par les deux jeunes femmes.
On peut seulement regretter que, comme souvent chez Gitai, la rigueur de son dispositif confine parfois à la rigidité, laissant peu son film respirer, rester potentiellement ouvert à une faille, un incident imprévu. Comme il est dommage que les choses soient de plus en plus explicitées vers la fin, que les intégristes deviennent de plus en plus « méchants et étranges ». Par exemple, comment prendre la scène de la défloration où le mari honore son épouse (mais surtout sa religion) de façon brutale et mécanique : farce grotesque ? Charge anti-religieuse caricaturale ? Réalisme scrupuleux ? Faut-il en rire ou en pleurer ?
Cela dit, il faut mettre au crédit du talent et de l’intelligence de Gitai le fait que ce film « sur Jérusalem » soit quasiment exempt de tous clichés touristiques ou d’images « déjà vues » de la ville sainte : tout se passe ici entre les murs d’une « yeshiva », ou dans la pénombre confinée d’appartements étroits. Les seules vues extérieures de Jérusalem sont celles, brèves et parcimonieuses, de rues encombrées, ou bien un plan du mur des Lamentations obéissant à la nécessité du récit. Il faudra attendre l’ultime et libérateur plan final pour voir l’ensemble de la ville, la mise en scène épousant jusqu’au bout le paysage mental de son héroïne.
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