Elle vient d’enregistrer sur CD le journal de Christiane Singer. L’occasion de revenir sur sa filmographie, le prochain Kiarostami, et le sketch que Valérie Lemercier lui a consacré aux Césars.
Qu’est-ce qui dans Derniers fragments d’un long voyage, le livre de Christiane Singer, vous a donné l’envie de le lire sur CD ?
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Il y a une dizaine d’années, j’ai entendu Christiane Singer parler et j’ai eu envie de lire ses livres. Puis elle a été atteinte d’un cancer, et elle est “partie”. J’ai regretté de ne lui avoir jamais parlé. Quand on m’a proposé de lire ce livre-là, je me suis dit qu’après avoir raté notre rendez-vous, je me devais de porter son texte… L’aspect mystique du texte me touche. Cela doit être l’influence taoïste, mais je ne vois pas comment on pourrait ne pas être préoccupé de mystique : quand on va vers l’un on va forcément vers l’autre, quand on va vers la vie on va forcément vers la mort. La vie prend un sens quand la conscience est ouverte à une autre réalité à laquelle on doit faire face. Pour moi il n’a jamais été question d’attendre le dernier moment pour y réfléchir. Cette dualité est là depuis mon enfance, une enfance séparée, bousculée par des voyages…Qu’est-ce que je fais ici, maintenant, pourquoi ? Ces questions me travaillent depuis toujours. Certes, personne n’a la vérité. Mais ce qui me touche dans le livre de Christiane Singer, c’est cette descente dans l’ombre de son corps, dans la difficulté de la maladie, et en même temps dans une transparence intérieure extraordinaire. Elle a appris à lâcher prise.
C’est difficile de lire durant trois heures un texte comme celui-ci ?
Ça a été une épreuve. Il était hors de question de juste le lire. Ça ne marchait pas, ou alors c’était une façon de me protéger et c’était la trahir, vu la douleur qu’elle a traversée. Je n’en suis pas sortie indemne. Au début, j’essayais de lire le plus vite possible, et ça n’était pas juste. Au moment où ça se passait, mon corps répondait à la lecture de certains passages : frissons, impressions de froid. Une traversée par la sensation et l’émotion. En même temps, elle a une vraie grâce, une forme de légèreté.
Quel est le dernier roman que vous ayez aimé ?
La Vie matérielle de Marguerite Duras.
Si vous jetez un regard rétrospectif sur votre filmographie, qu’est-ce qu’elle dit de vous ?
Que c’est l’expérience qui me passionne. A la limite, le résultat, ça n’est pas de mon ressort. Quand je choisis un film, la question que je me pose d’abord c’est “qu’est-ce que j’ai envie de vivre ?”. Comment je vais être remise en question, et comment je vais pouvoir agir sans être dans l’habitude… Sinon, si je refais ce que je sais déjà faire, j’ai l’impression d’être morte. Ce qui m’a le plus sortie de ce que je sais faire récemment, ça a été la danse. C’était difficile mais mon corps a suivi, preuve qu’il y a ce possible en soi. Tout est possible.
Vous jouez dans Copie conforme, le film d’Abbas Kiarostami qui sort le 19 mai. Le personnage masculin est un écrivain qui joue sur la vérité et le mensonge. Est-ce cela qui vous a intéressée ?
Abbas m’a raconté l’histoire qu’il disait être la sienne. Mais en fait il mentait… Il m’a bien eue ! A partir de là, on a décidé de faire le film ensemble.
Comment réagissez-vous au sketch de Valérie Lemercier lors des Césars, un “biopic” de votre vie où elle se moque de toutes vos activités.
Je ne l’ai pas vu mais on m’en a parlé. Et j’ai décidé de m’en foutre.
Derniers fragments d’un long voyage de Christiane Singer, lu par Juliette Binoche (Audiolib/Collection Documents et Sagesse), 180 pages, 17 €
Photo: Juliette Binoche à Sarajevo (KoljaHub/Flickr)
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