Un homme sillonne la France avec l’appli Grindr pour boussole. Un premier film enchanteur.
Un matin, Pierre fait ce dont chacun de nous rêve peut-être secrètement : quitter son compagnon (ou sa compagne), son boulot, sa routine quotidienne et partir sur les routes, sans plan ni projet, avec sa voiture et le site Grindr comme seule boussole. Lâcher prise, rompre les attaches et éprouver la liberté.
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Avec son iPhone qui l’aiguille au hasard sur les routes de France, Pierre recherche des plans drague avec des garçons, mais il croise aussi beaucoup de femmes : une chanteuse pour maisons de retraite, une libraire (forcément) érudite, une vieille loufoque… et aussi des hommes, comme ce bistrotier de montagne qui s’énerve que l’on parle toujours du “vivre ensemble” et jamais du “crever seul”. Pendant ce temps, Paul, l’amant délaissé, est parti à la recherche de Pierre… lui aussi grâce à Grindr, boussole et mouchard.
Une série de rencontres courtes mais intenses
Jours de France, c’est bien sûr un genre de tour de France, un voyage géographique, politique et humain, une série de rencontres courtes mais intenses où chacun est saisi dans sa singularité irréductible, à l’encontre des microtrottoirs de la télé ou des données chiffrées des statisticiens.
La France n’y est pas regardée comme un camembert pour instituts de sondages mais comme un territoire d’expériences d’où la surprise et la beauté, humaine ou paysagère, peuvent surgir à n’importe quel moment. Ce road-movie en solitaire est aussi une façon d’éprouver le couple, les sentiments, aux fers du manque et de l’absence.
Jacques Rivette disait qu’un bon film est toujours un documentaire sur son tournage. A cette aune, Jérôme Reybaud est presque synchrone avec ce que vit son personnage. Certes, faire un film est un projet plus concerté et préparé que partir sur les routes sur un coup de tête, mais il est clair que les personnes que Pierre rencontre sont les actrices et acteurs que Reybaud tenait à filmer. Pascal Cervo, Fabienne Babe, Nathalie Richard, Marie-France, Jean-Christophe Bouvet, ou Liliane Montevecchi sont aussi merveilleux ici que peu souvent présents sur nos écrans. Cinéaste fan, Reybaud les arrache à l’oubli et les magnifie comme le fait parfois l’une de ses influences possibles, Paul Vecchiali, avec les actrices qu’il aime et admire.
Jours de France, ce titre laisse songeur en nos temps de retour du refoulé nationaliste. Face à notre actualité désenchantante, Reybaud offre un chemin de traverse mélancolique mais superbe. La France est belle et riche de désirs pour qui sait la regarder et la réinventer d’un œil ouvert, curieux, disponible.
Jours de France de Jérôme Reybaud (Fr., 2016, 2 h 21)
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