JOURS D’AOÛT de Marc Recha
avec Marc Recha, David Recha, Mariona Ordonez
(Esp.
, 1 h 33, 2006).
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Road-movie flottant et nonchalant dans des paysages
superbes, où plane pourtant l’ombre de la guerre.
Une fois de plus, après L’Arbre aux cerises (1998), Pau
et son frère (2001), Les Mains vides (2003), Marc Recha
réalise un film à nul autre pareil, un film qui se
déroule dans une zone sensible où il est presque
impossible de distinguer ce qui tient du documentaire
et de la fiction, à moins que les deux ne soient
intimement mêlés. Jours d’aožt, c’est « l’histoire »
d’un metteur en scène de cinéma qui prépare un film
sur la guerre d’Espagne à partir des travaux et
anecdotes d’un de ses amis aujourd’hui disparu, le
journaliste Ramon Barnis (1940- 2001). Mais Marc
Recha (qui tient donc son propre rôle dans
le film) a bien du mal à boucler son scénario, et puis
c’est l’été, qui s’annonce très chaud. Son frère
jumeau dizygote David lui propose justement
de partir en vacances avec lui. Et le road-movie de
commencer, un road-movie totalement envožtant, où
le travail, ce film sur la guerre, semble s’éloigner peu
à peu de l’esprit de Recha, et où le spectateur est prié
de se laisser flotter au fil des images, de la route, de
l’eau (vous verrez, c’est très agréable). Le voyage,
nonchalant, est fait d’anecdotes, de petites histoires,
de rencontres, de promenades. De distractions, donc.
Les paysages sont superbes, les images de la chef op
Hélène Louvart aussi, dominées par la cohabitation
entre la pierre, l’eau, le soleil. Or plus nous oublions la
guerre, plus elle va lentement se rapprocher de nous,
remonter à la surface des eaux parcourues en barque
par les deux frères. Par le seul geste de filmer la
nature de ce coin d’Espagne, Marc Recha nous la fait
voir, cette foutue guerre qu’il n’est pas possible
d’oublier. Ce que montre Recha sans le dire jamais,
par la seule force du cinéma, c’est que le paysage d’un
pays est marqué par son histoire, qu’il ne peut jamais
la cacher, l’ensevelir, faire disparaître ses traces
(comme les impacts de balles sur un mur). C’est donc
au creux du film que se trouve son centre, c’est dans
une tentative d’oubli que le passé va remonter, comme
une menace perpétuelle, une mauvaise conscience
que rien ne pourrait effacer, au prix de la disparition
(au sens propre comme au figuré) du réalisateur-
personnage à un moment du récit. On pourra
reprocher à Marc Recha de se perdre parfois dans
une accumulation de récits un peu inutiles (comme
cette voix off féminine, celle d’une soeur des frères
Recha, qui n’apporte rien au film), mais c’est un
défaut véniel. L’important, c’est que par la seule force
de ses images, à l’apparente simplicité, il parvienne à
rendre visible ce que nous ne voyons pas forcément.
C’est ce qu’on appelle un cinéaste.
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