Tout film parle de nous et d’aujourd’hui. Le film réalisé par George Clooney, Suburbicon, adaptation d’un scénario (ancien ?) des frères Coen, n’a aucune valeur en termes de mise en scène (Clooney n’est pas un cinéaste, ne sait pas commettre un plan). Mais il colle avec l’actualité, notamment politique, d’une manière assez redoutable. Le nouveau […]
Clooney, Guédiguian, Wiseman : trois cinémas de gauche qui nous rappellent certaines vérités.
Tout film parle de nous et d’aujourd’hui. Le film réalisé par George Clooney, Suburbicon, adaptation d’un scénario (ancien ?) des frères Coen, n’a aucune valeur en termes de mise en scène (Clooney n’est pas un cinéaste, ne sait pas commettre un plan). Mais il colle avec l’actualité, notamment politique, d’une manière assez redoutable.
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Le nouveau Guédiguian, La Villa, est un retour somptueux à ce que nous préférons chez lui : théâtralité assumé, sens du plan, sentimentalisme, utopie, espoir dans l’humanité. On peut trouver ça désuet, ringard. C’est bouleversant. Avec son côté vieux con (“C’était mieux avant”), Guédiguian nous dit ce que pensent les gens de plus en plus, aujourd’hui et maintenant. Alors il en fait trop (les riches sont horribles), mais si c’était vrai, comme dirait Marc Lévy ? C’est Wiseman qui nous le prouve dans Ex libris : The New York Public Library, son nouveau docu de trois heures sur l’une des institutions culturelles les plus belles des Etats-Unis.
Une vague raciste totalement délirante
Le scénario de Suburbicon met en parallèle deux familles américaines des années 60. L’une, blanche, apparemment toute lisse (et bien sûr atrocement dysfonctionnelle), dont le chef de famille est Matt Damon, cadre qui vit avec sa femme handicapée et sa sœur jumelle (Julianne Moore joue les deux rôles) et leur fils (le pauvre). L’autre est noire, parfaite, et vient emménager juste à côté, dans une ville-champignon typique de ces années-là, avec ses lotissements parfaits et ses petites maisons toutes identiques (comme chez Burton). L’arrivée de la famille middle-class noire va déclencher une vague raciste totalement délirante, et une campagne des citoyens qui va consister à les faire partir à tout prix (cris et tambours en permanence).
On peut juger le film lourdingue sur la question, mais tout cela est bien évidemment vrai, historique, que ça nous plaise ou non. Les Etats-Unis étaient encore un pays ségrégationniste au début des années 60. L’aurions-nous oublié ? Pouvons-nous l’ignorer, alors que les suprématistes blancs reviennent sur le devant de la scène ?
La fin d’une époque militante
Guédiguian nous revient en pleine forme. Il nous entraîne dans son scénario à tiroirs, mélodrame sur fond d’immigrants maritimes mâtinée de dépression de la soixantaine, récit mélancolique sur la fin d’une époque militante et collective, mais aussi plein d’espoir sur la toujours possible naissance de l’amour, de confiance dans la jeunesse, dans la foi d’une écologie nécessaire.
Toute la société, se retrouve dans le petit port de Guédiguian, et c’est bien beau, bien joué, bien écrit, tellement bien filmé. On ne sait pas trop comment ça tient debout, on s’en étonne presque. Les spectateurs avaient l’air d’aimer cet univers à la fois triste et joyeux. Qui peut parfois prêter à sourire. Mais qui dit des vérités sur le monde d’aujourd’hui, sur l’argent qui détruit tout, et d’abord la beauté. Truismes de gauche ? Pas si sûr.
Défendre des valeurs égalitaires.
Il n’empêche. Le vieux Wiseman vient nous rappeler, dans un film pourtant tourné avant l’élection de Trump, ce qu’est la culture dans un pays qui ne cesse de la réécrire pour l’arranger à la sauce des vainqueurs (les Blancs, doit-on le rappeler). Le film décrit cet endroit incroyable où la culture est offerte à tous, grâce à l’argent des riches. Concerts, lectures, théâtre, bibliothèques, etc. C’est passionnant. Et puis il y a ces hommes de culture qui viennent faire des conférences pour défendre des valeurs égalitaires, humanistes, et s’opposer comme ils le peuvent à la barbarie des politiques radicales de droite. Et c’est bouleversant de simplicité, de bon sens.
Depuis une semaine que des ouragans détruisent le Texas, je ne cesse de me rappeler ce passage d’Ex libris ou le président de cette bibliothèque rappelle que dans l’Etat du Texas, dans les nouveaux livres scolaires, on place les Noirs à côté des Irlandais dans l’histoire de l’immigration en Amérique… L’esclavage ? Quoi donc ? Il ne s’agit pas de se réjouir du malheur des humains, ni de croire en une vengeance divine, mais les ouragans parfois nous esquissent un sourire sardonique qui nous terrifie. Le cinéma nous parle d’ici et de maintenant même quand il parle du passé. Il nous renvoie à nos propres pulsions mortifères.
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