A l’origine, la réalisatrice vaudoise Jacqueline Veuve sort bouleversée de la lecture du journal tenu de novembre 41 à novembre 42 dans le camp de Rivesaltes par une infirmière suisse. Prétendument réservé aux réfugiés de la guerre d’Espagne, il servait en réalité de lieu de regroupement des Juifs avant leur départ pour Auschwitz. Il se […]
A l’origine, la réalisatrice vaudoise Jacqueline Veuve sort bouleversée de la lecture du journal tenu de novembre 41 à novembre 42 dans le camp de Rivesaltes par une infirmière suisse. Prétendument réservé aux réfugiés de la guerre d’Espagne, il servait en réalité de lieu de regroupement des Juifs avant leur départ pour Auschwitz. Il se trouve qu’à 86 ans, Friedel Bohny-Reiter, l’infirmière, est toujours en vie. La réalisatrice la filme racontant ses souvenirs dans ce qu’il reste aujourd’hui de ce camp. Des survivants témoignent de ce qu’ils y ont vécu, et des images « de fiction » en noir et blanc figurent l’infirmière à l’époque. Bref, tout le contraire du projet d’Arnaud des Pallières qui, dans Drancy avenir sorti la semaine dernière, se fait un devoir de ne filmer que des images au présent. Toute hasardeuse que soit l’entreprise de Jacqueline Veuve sur le papier, le résultat est une réussite. Cette réalisatrice formée par Jean Rouch et Richard Leacock est à la tête d’une impressionnante filmographie, comptant de rigoureux documentaires, mais aussi des fictions dont le magnifique L’Evanouie. C’est avec le dosage idéal de pudeur et d’intelligence qu’elle entrelace ici les différents niveaux de récit. De nombreux clichés, souvent difficiles à regarder, jalonnent le film. Calmement, Friedel explique que, pour sauver des vies, elle a dû enfreindre les consignes de neutralité de la Croix-Rouge, mais elle ne pose jamais en héroïne. Et la réalisatrice n’a pas coupé au montage les phrases qui laissent entendre, sinon une culpabilité ou une responsabilité, du moins une certaine dérobade : « Dans le calme de la nuit, on se demandait parfois si on n’était pas complice avec ces gens qui déportaient. Mais il fallait refouler cette pensée si on voulait continuer à travailler. » Si les images « fictionnalisées » ne sont jamais scabreuses, c’est qu’elles ne sont pas réalistes mais « figuratives ». Les témoignages soulignent la solidarité exceptionnelle générée par les conditions de vie inhumaines. Ainsi, une rescapée raconte à quel point la joie d’un rare bol de riz partagé réchauffait non seulement les corps, mais aussi les âmes. Une autre entonne un chant espagnol. Grosse émotion. A la fin du film, Friedel Bohny-Reiter se demande « Quel est le sens de tout ça ? Je n’en sais toujours rien aujourd’hui. (…) Une chose me donne du courage : avoir publié mon journal, et aujourd’hui, faire ce film. »
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