Carrosses, citrouilles et épousailles : une conclusion féerique.
La dernière journée de compète commence très bien : on parvient sur un malentendu à déjeuner à Da Laura, le seul resto de Cannes répertorié au Fooding, donc le resto le plus complet à trois mille nœuds pap’ à la ronde.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://www.instagram.com/p/Bi6-P1Eg28D/?taken-by=constancedvrgn
Du coup on s’est habillés pour l’occasion. On a même mangé des fleurs.
Mon héroïne du jour, c’est cette meuf probablement privée de douche par un réveil durement négocié, et qui en voyant entreposés juste avant les portiques du Palais tout un tas de flacons non conformes aux normes sécu a eu l’idée d’y piocher un déo pour soulager ses aisselles moites. Constance trouve l’idée tellement maline (« ça c’est cannissimo ! ») qu’elle hésite à se remaquiller intégralement avec les produits disponibles sur la table, malheureusement la projo est imminente.
À ce moment là, les premiers prix parallèles commencent à tomber.
Fier de remettre le prix Cannes Sountrack de cette 71e édition au type dans le cabinet à côté du mien dans les chiottes de la salle du Soixantième #Cannes2018
— Théo Ribeton (@theoddore) May 18, 2018
Tout bien réfléchi, il a quand même un peu plagié la bande son du Godard.
Aucune envie d’aller Bilge-watcher le Ceylan de 3 heures : il y a des articles à écrire. Ce qui commence à manquer, à l’approche de la fin de festival, ce sont les endroits où picoler gratuitement. Les plages remballent leurs bars éphémères, les toits d’hôtel nous claquent la porte au nez mais heureusement le phénomène est lent, la citrouille a encore plus ou moins une gueule de carrosse selon l’angle d’où on la regarde. Mais d’où ?
Un petit shoot de romantisme
La recherche d’un havre de gratuité commence par une déconvenue au Five où Girl reçoit sa Queer Palm (« mais pourquoi ici et pas au Vertigo », s’interroge-t-on comme la veille pour la teuf du Gonzalez, et comme tous les autres jours en fait) : les cocktails sont passés de zéro à dix-huit balles en 24 heures. Mon sang ne fait qu’un tour : on file au bateau Technikart, qui est exactement comme le bateau Arte à part qu’on peut fumer (logique, la fumette étant à peu près ce qui sépare Technikart d’Arte en termes de ligne édito). Toma se met d’un côté, Constance de l’autre, et le yacht commence à tanguer. J’ai suffisamment vu Pirates des Caraïbes 3 pour ne pas insister : on file sur le pont plus stable de la Villa Schweppes.
Tandis qu’Eddy de Pretto s’affaire à déconstruire en musique la virilité abusive sur la scène de la Villa, d’autres semblent bien décidés à la reconstruire sur la terrasse, comme ce photographe plus ou moins londonien remonté comme une pendule qui me raconte sa nuit passée avec Paris Hilton (mec ça m’impressionne pas, je l’ai vue y’a 4 ans au Petit Maj’) avant d’aller hurler « AH OUAIS BAH BRAVO LA GAUCHE CAVIAR OUAIS » et quelques insanités moins publiables à Najat Vallaud-Belkacem aperçue dans le VIP corner.
La soirée a besoin d’un petit shoot de romantisme et le voici tout trouvé car Alice, dont c’est le dernier Cannes avec la team Télérama, propose de célébrer notre amitié en « se mariant » sur la route du Vertigo. Basile immortalise nos épousailles.
Mariage très prude : le truc le plus intime qu’on fera sera de partager un vestiaire au Vertigo, sur le dancefloor duquel je mesure mon état de fatigue au moment de buter sur quelqu’un derrière moi à qui je m’excuse d’un geste, puis réalise qu’il s’agit de mon reflet dans le miroir. Je bute encore, cette fois sur Julien Gester, accroupi, scrutant le sol à la torche de son iPhone : « j’ai perdu mon cash ! – Merde, t’avais combien ? – Non, mon cache, pour mon appareil ! »
Quelques noctambules croient voir Superman à mon passage
Las de buter et de ne plus rien piger, j’envisage de partir, mais Alice est introuvable. Partie ? Son grand manteau rouge est pourtant toujours sur le cintre. Le videur m’explique qu’une jeune femme vient en effet de partir en titubant. Je décide d’être galant et lui rapporte son pardessus au Palais Télérama. Sur le chemin, je le jette sur mes épaules comme une grande cape rouge que je tiens d’une main à l’encolure. Quelques noctambules croient voir Superman à mon passage.
Ma B.A. exécutée, avant de rejoindre ma Forteresse de Solitude, bifurcation du plan de vol, auquel j’inflige une escale dangereuse à l’appartement Grazia. J’y remercie Sophie d’After qui a fait de moi le héros de ses chroniques de nuit alors que « tout le monde me harcèle d’y apparaitre, en fin de festival je n’ose même plus sortir d’ici ». C’est avec elle que je regarde depuis leur balcon le soleil se lever, avant d’aller faire le contraire dans mon lit, abandonnant mes prétentions rattraper à 10h30 le film qui décrochera pourtant la Palme quelques heures plus tard. Mais j’ai des principes à honorer : je n’ai jamais vu la Palme.
Plusieurs scénarios s’offrent à nous pour cette dernière journée proverbialement consacrée à une activité non cinéphile : Cannes-L’île Rousse au stade Pierre de Coubertin (si on avait su que ça ferait 9-1, on aurait pris ça), une excursion à l’île Sainte Marguerite (le vendeur international de Diamantino est allé y tremper son grand prix)… Finalement, on va remaker Mektoub My Love dans une plage environnante.
On se croirait à l’abri du boulot, mais pas du tout : la Côte d’Azur est une newsroom géante jusqu’au dernières heures. Les confrères ont les orteils dans le sable et les doigts sur l’iPhone, tapotant leur « palmarès idéal » en cherchant l’inspi à voix haute entre deux léchages de Cornetto : « comment ne pas souhaiter le prix d’interprétation féminine à Joanna Kullig, qui – ah chouette, t’as pris la crème, tu veux pas m’en mettre dans le dos ? – illumine le noir et blanc de Pawel Pawlikowski… »
Au milieu d’infos contradictoires concernant les endroits où on aurait nos chances de regarder la cérémonie en short de bain (« y’a pas un bar qui la retransmet ? – Je crois qu’ils sont plutôt sur Chelsea-Manchester, mais on peut demander »), tandis que Jacques Braunstein nous prétend qu’on peut la voir sur l’écran de la plage alors qu’en fait non, nous optons pour une solution qui nous ressemble, une solution cannissimo : la terrasse du bar-tabac La Pantiero, sur le port.
On joue à « qui est déçu de son prix parce à la Palme quand on l’a invité à revenir pour la cérémonie » et cette année Pawel Pawlikowski l’emporte haut la main. Depuis son appartement du 19e arrondissement Murielle Joudet, notre collaboratrice privée de Cannes, m’envoie une photo pour fêter le prix remis à sa compatriote libanaise Nadine Labaki :
Ça n’ira pas beaucoup plus loin pour nous : une vérification de rigueur de la terrasse du Petit Maj nous confirme que tout le monde est bel et bien parti, et qu’il est l’heure d’aller finir les clopes devant des replays des discours d’Edouard Baer, dont certaines finesses nous ont échappé (l’an prochain, penser à apporter une enceinte Bluetooth au bar-tabac La Pantiero).
Dans le train du retour, tandis que j’écris hagard ces dernières lignes, tombe de mon porte-monnaie un Pola pris le tout premier soir à la soirée d’ouverture de la Quinzaine, que je pensais avoir égaré. En haut, de gauche à droite, Thomas Bécard, moi-même et Yal Sadat.
Ce sera donc mon premier et mon dernier souvenir. Allez comme disait le maître de cérémonie : « Si Dieu nous prête vie, et s’il existe », à l’année prochaine.
{"type":"Banniere-Basse"}