Première incursion cannoise de 2019 sous le signe de vêtements… absents.
C’est toujours les mêmes gestes, disait Zizou en son temps pour nous vendre de l’eau minérale avant d’entrer, héroïquement, dans son match. Pour nous aussi, c’est toujours les mêmes gestes : un avant-match cannois fait de lessives, de pré-visionnages, d’essais nœud papillon et de configuration de messages d’absence, même si mes gestes à moi se sont un peu emmêlés cette année, car j’étais de mariage le week-end précédant le festival. Bonne idée m’étais-je dit, pour s’entraîner à lever du mousseux en costume de location, jusqu’à ce que je découvre dans le train du retour, scrollant nonchalamment mes stories, cette photo de mes fringues oubliées sur site.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
J’annonce donc une cravate perdue (dommage, elle avait des fleurs), mais aussi une édition plus que hot, qui commence donc dès mon arrivée mardi par une visite de courtoisie chez les amis Jean-Charles Cul-nu (Canu, en vrai) et Catherine Tour d’Italie (Giraud, en vrai) (elle est technique), attachés de presse fort appréciés de la riante Quinzaine. Piquée au vif par un tel calembour, Catherine tente de me trouver un sobriquet du même tonneau. C’est raté.
Une vanne qui me fait penser qu’il va falloir bientôt se nourrir, et pour cela personne ne prend plus fermement les choses en main que François Grelet, confrère de chez UGC, qui a volé une toque égarée sur un des stands de la welcome party avant de sauter par-dessus la gazinière, se fondre parmi les baristas, et commencer à servir des risottos aux festivaliers. Devinez qui est l’intrus ?
Nouveau cran dans la précarisation des journalistes, obligés d’assurer tous les postes cannois en même temps, multiplier les casquettes (ça m’arrange : j’avais pas mal assaini les finances de mon Cannes 2018 en vendant la mienne cent balles à un jeune premier), ne s’accorder aucun répit, et c’est dans cet esprit de pied au plancher que je passe en coup de vent à notre propre repas d’arrivée pour filer rendre visite au Silencio, placard à balais habilement reconverti en boite de nuit et curaté cette année par Corine, la chanteuse avec les cheveux. Elle a booké une programmation bien cuisinée, composée notamment de Pedro Winter, Fishbach, mais aussi de Corine, et qui pourrait bien lui jeter la pierre ?
Il est déjà bientôt l’heure de s’écourter la nuit au Vertigo, le club queer où je pensais avoir mon rond de serviette, jusqu’à ce qu’on me refuse l’entrée au prétexte fumeux que je portais un jogging militaire (je l’ai dit au début, j’ai oublié mon smoking dans un mariage landais, j’aimerais vous y voir vous aussi). Soudain, une huile locale pose sa main sur mon épaule et somme le physio de me lancer rentrer (« c’est des amis »), qui s’exécute illico. Bien verni, mais un peu embêté car infoutu de reconnaître mon bienfaiteur, je risque la question :
– Pardon, mais je ne te remets pas ?
– Bah, c’est Franck !!
Ça ne m’éclaire pas mais je n’ose pas insister, d’autant que je connais mes grosses lacunes en physionomie, et qu’on me précisera plus tard que c’était Franck Finance-Madureira, le créateur de la Queer Palm. Merci, Franck, grâce à toi je peux commencer le festival par une bonne vieille migraine, n’en déplaise aux ex-Ministres de la justice, qui me narguent dès le lendemain matin tandis que je consulte les news en émergeant d’un sommeil houleux.
Le début de Festival est placé sous le signe des Nuls, célébrés pour les 25 ans de La Cité de la Peur et obligés pour cela de se coltiner une armée de fans un chouïa forceurs avec la Carioca, au point d’en avoir organisé une géante sur la Pantiero. N’oublions pas qu’une bonne vanne ne fait pas forcément un bon flashmob, d’ailleurs est-ce que ça existe, un bon flashmob ?
D’autres se consolent en pensant aux Inconnus, que ce soit devant Les Misérables de Ladj Ly, version street de Victor Hugo qui fleure bon Les Miséroïdes, ou au détour d’une tenue d’Elton John. Je passe voir Gérard Lefort, maître incontesté ès-anecdotes cannoises, pour lui chiper quelques astuces pendant la dédicace de son bouquin de souvenirs de Croisette. Il me recommande la kleptomanie, que j’applique en chourant le bandeau du bouquin de Palmade pour le mettre sur le sien.
C’est la fête de la Quinzaine, grand bal populaire d’ouverture, qui nous accueille le soir et quelque chose, cette année, nous chiffonne à Jean-Marc et moi : la sempiternelle playlist de mariage (Jackson 5, France Gall, Céline Dion…) a laissé place à une espèce de tunnel d’électro berlinoise qui sera peut-être du goût de ceux qui en ont, mais pas du tout du nôtre (le lendemain, Jean-Marc surcompensera en devinant plusieurs morceaux de Michel Fugain pendant un blind test improvisé par Jacky à l’apéro).
Va-t-il falloir encore retourner au Vertigo ? Sans doute. Ce n’est que le deuxième jour, et je commence déjà à connaitre assez en détail la choré de leur revue sur le thème d’Aladdin, et notamment Le Rêve bleu. Peut-être à cause de ma couleur d’accred ? Peut-être bien : le lendemain, comme un hommage, j’ambiance la file d’attente du Ken Loach en mettant du Eiffel 65 à pleins watts.
Ça commence fort.
{"type":"Banniere-Basse"}