Un skate interdit, des regards vitreux et beaucoup de football : récit des premiers jours.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Sages consignes.
C’est le deuxième jour, et comme d’habitude c’est un peu le premier, avec ses arrivants retardataires, leurs valises à roulettes battant les pavés de la rue d’Antibes, le réveil agressif et un peu fiévreux de ceux qui ont déjà attaqué la veille, et le beau spectacle des métabolismes qui s’ajustent tant bien que mal – temps de sommeil, routines alimentaires, etc. Quatre heures de dodo et une pizza par jour, c’est mon truc : jamais moins, pour rester raisonnable, mais jamais plus, sinon la machine a du mal à se relancer ensuite. Sur ce régime chargé en gluten, j’observe qu’il pousse au palais d’interminables excroissances d’accrédités en file indienne, dont les bouts de conservation ont déjà un goût de lendemain difficile : « dis donc, t’as un certain regard toi » – « oui, je suis un peu hors compétition ».
Le coupable ? Sans doute la fête du film d’Arnaud Desplechin, premier rendez-vous nocturne immanquable de ce cru 2017, où se croisaient une rutilante équipe (Desplech’, Amalric et tout le crew) et une foule de collègues abreuvés de champagne. On ne donnera aucun nom, mais deux membres de la team Inrocks ont failli se faire virer juste parce qu’ils avaient séché le vestiaire – il faut dire que la parano sécuritaire a pris cette année des proportions remarquables. On m’a refusé l’entrée au Palais à cause d’un skate sur lequel je me réjouissais d’arpenter tout le festival en bon cool kid de la Croisette. Bim : ma planche à roulettes est considérée comme une arme blanche (n’importe quoi, elle est rouge) et dormira au manoir Inrocks cette quinzaine. Selon nos sources, même Zviaguintsev aurait été retenu un bon moment sur le perron alors qu’il venait checker la projection test de son film sélectionné en compète, façon Miles Davis interdit d’entrer à son propre concert à cause d’un flic pas très jazzeux en 1959.
Le crime était presque parfait.
Cette première nuit plutôt courte a-t-elle son rôle à jouer dans les notes attribuées au film de Todd Haynes, Wonderstruck, vu à 8h30 le lendemain ? Ça nous regarde. Mais ça y est, on a basculé : on s’est réveillé dans cette autre réalité, cette bulle de dix jours dotée de son rythme propre (enfin, propre, bref), coupée du monde, réglée sur l’étrange, l’excès, l’absurde, puisque par exemple Claire Denis y fait des comédies (Un beau soleil intérieur, un film ok). Ah, notre petite annonce est passée dans le Technikart daily : le Travelling de Kopa, l’équipe officielle de football de la critique ciné (rapport au Travelling de Kapo, texte légendaire de Rivette, et à feu Raymond Kopa, vers qui s’envolent nos pensées), recherche activement des adversaires cinéastes, acteurs et/ou producteurs pour un match à l’arrière-goût de vengeance chargé de tacles rancuniers. Qu’on se le dise.
Grosse gueule de bois.
Comme d’habitude, toute la profession s’est donnée rendez-vous sous le chapiteau de mariage de la plage Quinzaine ce jeudi soir. Premiers « t’as vu des films ? », pronostics festivaliers (Todd Haynes, prix de la mise en scène ou c’est encore le sommeil qui parle ?) mais aussi sportifs (Julien Gester, de Libé, a décidé de rater le Ruben Ostlund pour voir son club de cœur monter en L1 : il mise 3-1 pour Strasbourg contre Bourg Peronnas), accolades diverses et tentatives d’after, un peu orphelines des hauts lieux de ces dernières années – l’incontournable Mano ayant abandonné sa gargote de l’an passé au profit d’une sorte de local à vélos rempli de musique et de joli monde, où on a tôt fait de marcher sur les pieds d’un Beigbeder. Demain, on teste la villa Schweppes, pour y écouter Mai Lan et Kavinsky. C’est le festival, toutes ces pressions.
On se quitte sur cet instant de gloire dans le Technikart Daily.
{"type":"Banniere-Basse"}