Un très bon film d’horreur psychologique, autour d’un enfant parfait et parfaitement diabolique.
Joshua retrouve le thème de l’enfant diabolique, en vogue aux USA dans les seventies. Un signe d’anxiété face à la famille, au patriarcat menacé en temps de crise : c’est le père absent dans L’Exorciste, infanticide dans La Malédiction. Joshua croise ce dernier (un gamin crispant) avec Rosemary’s Baby (pour le suspense en appartement cossu à New York). Le jeune Joshua est donc le fils surdoué d’un couple de yuppies, dont le comportement devient inquiétant après la naissance d’une petite sœur. Le garçon s’intéresse à l’embaumement des morts chez les Egyptiens ; des bruits étranges se font entendre dans l’appartement du dessus ; le chien de la famille meurt. A partir d’événements déconnectés et d’une narration faussement statique, le film construit une tension assez saisissante. L’horreur y est plus psychologique que graphique, fonctionnant sur des non-dits et des allusions. Y a-t-il eu vraiment un meurtre dans l’appartement ? Que se passe-t-il après que Joshua jette à un clochard : “je vous donne cinq dollars si je peux vous lancer une pierre dessus” ? Pendant un long moment, on s’interroge sur les motivations du garçon, toujours pâlot et au débit monotone. La révélation sera étonnante.
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Comme son Joshua à l’esprit tortueux, le cinéaste fait affleurer deux motifs pour mieux les déformer : la jalousie fraternelle et la dépression post-natale, où, sous influence, Vera Farmiga excelle dans l’art de l’affaissement intérieur – encore un joli rôle d’épouse maudite, comme dans Never Forever. Le film opère un subtil renversement des rôles, entre l’enfant trop intelligent et ses parents infantiles, démissionnaires (le père suspendu à son travail, à son iPod), qui voudraient se convaincre qu’ils sont plus cool que la bourgeoisie new-yorkaise à laquelle ils appartiennent. Le couple voudrait aussi que Joshua soit un gamin plus accro au football, qu’il pianote des airs faciles et non pas du Bartók. Le garçon va les prendre au mot. Au fur et à mesure que la photo du film blêmit, Joshua s’efface comme une page blanche, pour jouer les caméléons : pleurant quand les autres pleurent, se convertissant sans raison au protestantisme born again de sa grand-mère. Dans la dernière confrontation avec le père à Central Park – une fine allusion à Lewis Carroll –, Joshua se met à répéter tout ce qu’il lui dit, de façon infantile et inquiétante. Le gamin lui tend un reflet hideux, celui d’un égoïste qui voulait modeler un enfant à son image, un fils parfait. La critique de l’autorité familiale est féroce, renversant un sous-texte en apparence répressif. Et qui fait de Joshua un freak presque plus sympathique que ses frères et sœurs antéchristiques de La Malédiction et L’Exorciste.
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