Comédienne depuis l’âge de 10 ans tout en poursuivant de brillantes études, Joséphine Japy choisit ses rôles avec soin et enchaîne les réussites. Elle donne ainsi avec brio la réplique à une inquiétante Marina Foïs dans Irréprochable.
Dans Irréprochable de Sébastien Marnier, elle décroche le poste d’agent immobilier que convoitait la psychotique Marina Foïs. S’organise alors un jeu de chat et de souris, dont la jeune fille ne ressortira pas indemne. Dans ce thriller oppressant, Joséphine Japy débloie beaucoup de charme et une vraie finesse de trait pour interpréter cette jeune fille droite, aveugle à la perversité et la manipulation.
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La comédienne tourne depuis l’âge de 10 ans, remporte son premier succès populaire dans Neuilly-sa-mère, enchaine sur Cloclo, puis Respire de Mélanie Laurent qui lui vaut une nomination aux César dans la catégorie Espoir. Et pourtant Joséphine prépare aussi sa deuxième année de Master à Sciences Po. “Oui, je suis aussi étudiante, explique la jeune comédienne. Je fais un master communication à Sciences Po. Je prends des cours sur les industries culturelles et créatives.” Rencontre.
Vous ne vous projetez donc pas dans l’avenir exclusivement comme comédienne ?
Joséphine Japy – J’ai en tout cas beaucoup de mal à m’imaginer sans le cinéma. Longtemps, j’ai cru que je continuais mes études par sécurité. Mais je pense aussi qu’à 18 ans j’avais peur de ne connaitre que des gens de cinéma. J’ai commencé à faire du cinéma enfant. C’est étrange d’être le seul enfant dans une société d’adultes. A dix ans, sur le tournage de mon premier film, Les Ames mortes d’Yves Angelo, j’avais 10 ans et je fréquentais quotidiennement Jean-Pierre Marielle, que j’adorais. Mais assez vite, j’ai jugé important de garder un contact avec des gens de mon âge, extérieurs au monde du cinéma.
Vous connaissez le résultat de vos examens ?
Pas encore (rires). Mais j’espère que ça va bien se passer. Sinon ça m’emmerderait un peu de devoir bosser cet été. Mais je dois bien vous dire qu’après mon master, l’année prochaine, j’envisage de ne pas continuer et de me consacrer, au moins pour un temps, exclusivement à mon activité de comédienne. Cela devient un peu compliqué en terme d’organisation du temps de faire les deux.
Même si vous jouez depuis l’âge de 10 ans, Respire de Mélanie Laurent en 2014 vous a fait franchir un cap de reconnaissance.
Oui c’était une expérience intense. Ne serait-ce qu’en temps de présence sur le plateau. C’était la première fois que j’étais dans un film du début à la fin. Ça responsabilise beaucoup.
Avant, je me souviens vous avoir remarqué dans Cloclo, où vous étiez parfaite en jeune France Gall. Surtout dans la scène où le personnage vient de gagner l’Eurovision et où sa joie est gâchée par la scène épouvantable que lui fait son boy-friend Cloclo au téléphone.
J’étais totalement paniquée avant de tourner cette scène ! Quand on s’approprie des moments de vie de personnes qui ont existé, et à plus forte raison qui sont encore là, il y a une pression particulière.
Vous avez rencontré France Gall ?
Non mais je sais qu’elle a vu le film. Son fils m’a rencontrée et il m’a dit qu’il était content que sa maman soit représentée comme ça. J’ai ressenti une énorme soulagement. Ça valait les meilleures critiques au monde !
Vous avez beaucoup bossé pour être France Gall ?
Je n’ai pas cherché à l’imiter en tout cas. Pour moi, interpréter une personne réelle en l’imitant, ça n’est pas du cinéma. Il faut inventer autre chose que de la ressemblance. Mais oui, j’ai quand même beaucoup préparé. J’ai pris des cours de chant, j’ai regardé énormément de vidéos d’elle dans les années 60. Mais j’adore faire ce travail de documentation. C’est mon côté Sciences Po (rires).
Votre personnage de jeune agent immobilier dans Irréprochable, vous l’avez aussi bossé en amont ?
Bien sûr. Je suis allé bosser dans une agence immobilière. Les responsables savaient que j’étais là pour préparer un film mais ils me traitaient vraiment comme leur stagiaire, me faisaient bosser sur les dossiers. Je me suis vraiment retrouvé en situation de vendre un appart. Ce qui était un peu lunaire, parce que dans la vie, je n’en ai jamais acheté, c’est un protocole que je ne connaissais pas du tout. Et puis, pour préparer le personnage, j’ai aussi beaucoup observé les gens de mon âge. Le personnage d’Irréprochable est très cadré, très responsable. Elle doit intégrer l’habit, le parler de son milieu professionnel. Cette pression est super anxiogène. C’est très juste sur notre génération, qui ne se sent pas en sécurité, s’applique pour entrer dans des moules, se conformer aux normes de la vie professionnelles. Et quand il y a lâchage, ça peut aller très loin. On fait la fête en s’explosant la tête.
C’est nouveau pour vous de jouer un personnage déjà professionnalisé. Jusque-là, à l’exception de France Gall, vous jouiez plutôt des lycéennes vivant chez leurs parents.
Oui c’est mon premier CDI au cinéma ! Je m’installe ! (rires) C’est ça qui est amusant quand on a commencé très jeune. Chaque rôle marque une étape de vie. Le personnage d’Irréprochable marque l’entrée dans l’âge adulte et en cela fait écho à plein de choses que je vis en ce moment.
Vous, vous gagnez votre vie depuis déjà plusieurs années. Vous avez une vie en avance sur celle de vos personnages ?
Oui dès l’enfance, j’ai travaillé, gagné de l’argent. L’écart se comble un peu avec un personnage comme celui d’Irréprochable. Mais la question de la précocité s’articule aussi à des choses plus personnelles. J’ai une petite sœur qui est autiste, ne parle pas, et très vite, vers 7 ans, j’ai eu conscience que les mots n’étaient pas tout, que beaucoup de choses s’exprimaient autrement.
Quel a été le déclic qui vous a fait devenir comédienne ?
Quand j’étais en primaire, notre institutrice nous a fait faire du théâtre et a réussi que notre spectacle soit représenté sur la scène de l’atelier Berthot. Il y avait eu des castings. J’avais été choisie pour être Mary Poppins. J’avais une pression de malade. Mes parents avaient organisé une fête à la maison après la représentation. Mais je faisais la gueule, j’étais super triste. Un peu inquiets, ils m’ont demandé ce qui se passait. Et je leur ai dit : “Maintenant je n’ai plus rien devant moi !” (rires) C’est là qu’il m’ont expliqué qu’au contraire, je n’avais qu’à suivre des cours de théâtre. Interloquée, je leur ai dit : “Ça existe ?” Et deux jours plus tard j’étais inscrite. J’ai jamais fait un truc aussi vite de ma vie. C’est l’année suivante qu’une directrice de casting m’a repérée dans ce cours et m’a demandé si je voulais faire du cinéma. Je n’en ai pas parlé à mes parents et j’ai demandé à mon oncle photographe de me shooter. J’ai mis tout ça dans une enveloppe et je l’ai donné à mes parents en leur disant : “Maintenant il faut l’envoyer à cette adresse.”
Vous étiez très précoce aussi dans la façon d’imposer vos choix.
Oui j’étais absolument sûre que c’est ce que je voulais faire et là encore c’était surement lié à ma petite sœur. J’en avais besoin. Probablement que c’était une façon de parler et de devenir toutes les personnalités qu’elle ne pouvait pas devenir.
Vous voyez beaucoup de films ?
Oui je suis un peu boulimique. Depuis que j’ai fini mes examens, je suis sur un rythme de trois par jour. En salle, chez moi… J’ai adoré Elle de Paul Verhoeven. Mais je suis fan d’Isabelle Huppert. Dans L’Avenir de Mia Hansen-Love, elle est exceptionnelle. Depuis que je suis petite, je suis fascinée par des actrices. Enfant, j’étais obsédée par Gloria Swanson. Sa personnalité me fascinait. J’adorais Sunset Boulevard. Mais j’adore des acteurs aussi. Je suis une inconditionnelle de James Stewart. Il a quelque chose de très moderne, de trouble. J’adore Vertigo, Fenêtre sur cour, j’adore The Shop around the Corner … Il a une filmo de dingue. C’est très formateur d’admirer des artistes. On a tort de dévaloriser l’attitude de fan. On apprend beaucoup en adorant quelqu’un.
Et de quels cinéastes êtes-vous fan ?
J’adore Lubitsch. Sérénade à trois, c’est d’une liberté sur les mœurs absolument sidérante. J’aime beaucoup Billy Wilder. Mon père m’a fait découvrir très tôt Truffaut. La Nuit américaine et sa description de la vie d’un tournage de cinéma me fascinait. Petite fille, je rêvais d’être accessoiriste à cause de ce film. J’ai grandi avec Peau d’âne qui a longtemps été mon film préféré, et Les Demoiselles de Rochefort. J’ai vu Les Parapluies de Cherbourg trop petite, et la tristesse du film m’a désarçonnée. J’ai appris à l’aimer plus tard. J’aime beaucoup les films d’Eric Rohmer aussi, que j’ai également appris à connaître dans la vidéothèque de mon père.
Apparemment vos parents sont cinéphiles. Ils vous ont encouragée à être comédienne ? Ils n’ont jamais été inquiets ?
Oh si, quand même. Ils ont peur pour moi encore aujourd’hui d’ailleurs (rires). Je pense qu’ils auront toujours peur pour moi et c’est super puisque c’est le rôle des parents. Mais ils se sont faits à l’idée. Je crois qu’ils sont surtout fiers que j’ai découvert ce désir par moi-même et que j’ai su mettre en place des choses pour le concrétiser. Mais de la même façon ils sont fiers que ma petite sœur travaille dans l’hôtellerie parce qu’elle en avait très envie et qu’elle a su y parvenir.
Vous tournez bientôt ?
Non pas dans l’immédiat. Je vais laisser passer la rentrée scolaire. De toutes façons, je n’accepte un projet que lorsqu’il m’enthousiasme vraiment. Je préfère tourner moins mais dans des projets que je revendique à 100%.
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