L’acteur/animateur/humoriste français nous parle de « Réalité », le nouveau film de Quentin Dupieux dans lequel il joue le rôle d’un producteur de cinéma, tireur de surfeurs à ses heures perdues.
Quel a été votre premier contact avec Quentin Dupieux ?
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Nous nous sommes rencontrés à l’époque de Steak, par l’intermédiaire de Grégory Bernard, qui n’était, à l’époque, pas encore le producteur de Quentin (il l’est devenu à partir de Rubber). Quentin aimait bien ce que je faisais sur la chaine Comédie et il a exprimé le souhait de me rencontrer. Nous sommes allés boire un café et il m’a parlé de Steak et de son univers. Nous avons tout de suite vu qu’on riait des mêmes choses, qui ne sont pas toujours des choses drôles pour les autres d’ailleurs. J’ai donc joué dans Steak, qui est un super souvenir. Nous sommes ensuite restés en contact. Plus tard, il m’a demandé de faire la voix de Jack Plotnick dans la version française de Rubber… En gros, je lui disais : « Si tu as besoin de moi pour quoi que ce soit, même de la figuration, je suis partant« . Concernant Réalité, il faut savoir que c’était un projet qu’il avait depuis cinq ans. Initialement, le film devait être tourné en Corée du Sud puis dans les hauteurs de Cannes. Finalement, quand il est parti s’installer il y a trois ans à Los Angeles, il s’est créé une sorte d’écosystème, avec des productions locales, une façon de faire peut-être plus simple qu’en France, et il a décidé que le film serait tourné là-bas.
Vous a-t-il tout de suite proposé le rôle du producteur ?
Pour être tout-à-fait honnête, non. Au départ, il voulait que je fasse un personnage qui apparaîtrait dans une sorte de pré-générique sous la forme d’un monologue face caméra. Mais, en lisant le scénario, je me suis rendu compte que cette séquence était un peu hors-sujet dans le film. Nous en avons discuté et il était d’accord. J’étais à la fois malheureux parce que je m’étais auto-supprimé du casting mais en même temps heureux parce que je pense que le film est mieux comme ça. Dix jours avant le tournage, il m’a rappelé pour me demander si je voulais faire Bob Marshall, le producteur, et j’ai tout de suite accepté parce que, dès qu’il s’agit de tuer un surfeur, moi je suis partant.
Le personnage qu’on voit à l’écran est-il fidèle à ce que vous aviez lu dans le scénario ?
Oui, le rendu à l’écran est très fidèle à la toute dernière version du scénario. Il n’y a pas d’improvisation. Ce sont des propositions qui sont tellement radicales que, soit on y adhère, soit on n’y adhère pas. Si j’ai envie de tourner avec lui, c’est parce qu’il fait des films vraiment à part. Je fais totalement confiance dans ses propositions et je ne les discute jamais. C’est très écrit. Il sait très précisément où il veut amener son film.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le personnage du producteur ?
C’était assez troublant de se retrouver face à Chabat. Je fais partie d’une génération qui, en l’absence d’outil comme internet, allait chercher les vrais espaces de liberté, de créativité et de connerie comme on les aime dans Les Nuls et Les Inconnus. Me retrouver face à Chabat, c’était quand même culte pour moi. En plus, j’étais obligé de l’engueuler et de le dominer… C’était assez déroutant. D’autant qu’il joue tellement bien les bonhommes placides, un peu touchants et paumés que, parfois, ça me faisait mal. Et puis j’aime bien les personnages un peu tyrannique et dictateur.
Vous êtes-vous inspiré de personnages que vous aviez précédemment créés à la télévision ou dans vos spectacles ?
Non parce que ces personnages-là sont très burlesques et outrés. Ici, il s’agit d’installer des situations qui sont en apparence très banales mais qui tirent vers le surréalisme de part la mise en scène de Quentin. Mon jeu devait avoir une certaine crédibilité car, même si mon personnage est fou, il peut exister dans la vraie vie.
Comment s’est déroulé le tournage ?
Comme ses films se font dans une grande économie, il tourne très rapidement. Je crois que la totalité du tournage de Réalité était de cinq semaines. Quand Chabat vient, c’est parce qu’il a envie de tourner avec Quentin. Il sait que son cachet, tout comme le mien, sera au minimum. C’est la même chose pour Marilyn Manson qui a appelé Quentin il y a trois ans pour lui dire qu’il avait envie de tourner avec lui. Je pense que peu de réalisateurs proposent un univers à ce point radical et alternatif aujourd’hui. Sur le plateau, nous sommes une toute petite équipe. Cela reste très professionnel mais il a trouvé une équation économique et une méthode de travail qui lui conviennent. Ce sont des films qui touchent un public très fidèle et qui marchent aussi à l’international. Les films de Quentin ne sont pas non-plus des œuvres de postures arty. Ils ont une vraie réalité économique. Il fait partie des auteurs dans le sens où on va voir un film de Quentin Dupieux et pas Réalité ou un film avec Alain Chabat par exemple. C’est assez rare aujourd’hui.
Comment définiriez-vous le cinéma de Quentin Dupieux ?
Pour moi, il fait des comédies d’angoisse, c’est-à-dire qu’il y a toujours un espèce de truc assez anxiogène, absurde, mais aussi parfois de l’ordre du malaise. Evidemment, certaines personnes ne vont pas du tout trouver ça drôle mais je crois qu’il les écrit vraiment comme des comédies. Son moteur est avant tout de faire rire.
Les mises en abîme liées à la question du dispositif cinématographique que l’on peut trouver dans ses films, est-ce pour vous un simple jeu ou l’expression d’un vrai discours ?
Je crois que cette question du dispositif cinématographique l’obsède. Et puis je pense qu’il y aussi une jouissance comique à brouiller les pistes, à nous dire « Je suis où ? Je suis là. Ah non, je suis derrière toi ! ». Pour le reste, je crois qu’il n’intellectualise pas trop la portée de ses films. Il ne se prend pas au sérieux.
Dans Réalité, il est question de postes de télévision tueurs. Vous avez fait énormément de télévision, pensez-vous que la télévision peut, à défaut de tuer, abrutir ?
Comme tout ce qui est consommé à trop forte dose. J’adore la télé. Je la regarde assez peu mais ça peut être formidable comme ça peut être tragique. Pour moi, le rapport cinéma-télévision est en train de changer. Avant, on méprisait un peu la télévision qui était considérée comme la soupe populaire quand le cinéma, c’était le septième art. En terme de fiction, les séries américaines sont beaucoup plus créatives que le cinéma de studios. Tous les plus grands y vont. En France, ça change aussi. Depuis plusieurs années, on trouve de très bonnes choses à la télévision. J’ai récemment joué dans une mini-série comique sur le déclin de l’empire romain pour M6, ça s’appelle Péplum. Franchement, quand j’ai lu les textes, j’étais mort de rire. Ça a été fait avec une vraie ambition artistique, avec de gros moyens et un réalisateur qui apporte une vraie vision (ndlr. Philippe Lefebvre).
Quels sont vos projets futures ?
Tout d’abord, je vais me consacrer à la promotion de Réalité et de Péplum. Je suis aussi en train de développer un nouveau projet pour le net, un format court de deux minutes. Je vais ensuite me mettre à l’écriture d’un nouveau spectacle. Enfin, j’ai envie, à plus long terme, de réaliser un long-métrage, avec d’ailleurs les mêmes producteurs que ceux avec qui travaille Quentin, Realitism Films.
Réalité sort le 18 février en salle.
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