Qu’y a-t-il de plus classe au monde qu’un cinéaste “slavo-italien” (sic) qui moralise à tout-va entre deux lampées de whisky et quelques bouffées de cigare cubain ? Personne, sauf peut-être un cinéaste suisse nommé Jean-Luc Godard. D’ailleurs, Jonas et Lila (sorte de suite de Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 réalisé par Tanner […]
Qu’y a-t-il de plus classe au monde qu’un cinéaste « slavo-italien » (sic) qui moralise à tout-va entre deux lampées de whisky et quelques bouffées de cigare cubain ? Personne, sauf peut-être un cinéaste suisse nommé Jean-Luc Godard. D’ailleurs, Jonas et Lila (sorte de suite de Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 réalisé par Tanner en 75) est intéressant dans la mesure où il démontre soit qu’Alain Tanner a beaucoup regardé les films de Godard, soit que la proximité des deux cinéastes est liée à leur culture commune, leur suissité. Mais évidemment, Tanner est un Godard très soft. La jolie héroïne Lila lit au lit et égrène des citations de Schopenhauer, Debord, Diderot…
Les personnages déambulent comme ça leur chante, devisent doctement, provoquent gentiment, mais la fiction est très balisée, étayée par la voix off explicative de Lila qui nous empêche de nous perdre. Dommage. A part ça, que dire ? Que Tanner se fourre le doigt dans l’oeil ou qu’il est de mauvaise foi quand il déclare dans le dossier de presse : « Tout le film (…), de sa structure à son filmage, va à contre-courant des modes d’aujourd’hui. » Rien de plus faux. Sans parler de la structure narrative éclatée qui devient presque une norme, les constants inserts d’images vidéo dans le film sont ce qu’on fait aujourd’hui de plus chébran. Mais on ne s’en plaint pas, surtout quand la DV-Cam de Jonas sert d’enjeu à la seule scène un peu tonique : celle où, de fil en aiguille, Lila propose à Jonas, son mari, de faire l’amour avec leur jeune amie russe Irina pendant qu’elle les filme. Un peu de franchise voyeuriste dans un océan de doléances auteuristes, de gauchisme de salon et d’écologie de bon ton au fait, Tanner se rend-il compte qu’en filmant avec insistance des boîtes de pellicule dans une décharge d’ordures, il désigne aussi le cinéma comme un producteur de déchets, un facteur de pollution ?
Cette oeuvre extrêmement bien pensante, cultivée, modérée nous fait d’autant plus regretter la disparition de Robert Kramer. Lui aussi tournait des films déconstruits, employait la vidéo, mais, dans Walk the walk par exemple, il abordait de front, avec un regard net, tranchant, aigu, des thèmes comme l’écologie, la politique, la morale, etc. Kramer faisait « comme ça », pas « comme si », pour reprendre l’expression fétiche d’Anziano dans Jonas et Lila.
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