En centrant son film sur le point de vue d’une unité de soldats serbes encerclée par les Bosniaques, le réalisateur Srdjan Dragojevic semble avoir poursuivi deux objectifs. Premièrement, corriger aux yeux du public international l’image désastreuse laissée par la Serbie à l’occasion du conflit yougoslave (image largement relayée par les médias occidentaux), montrer au monde […]
En centrant son film sur le point de vue d’une unité de soldats serbes encerclée par les Bosniaques, le réalisateur Srdjan Dragojevic semble avoir poursuivi deux objectifs. Premièrement, corriger aux yeux du public international l’image désastreuse laissée par la Serbie à l’occasion du conflit yougoslave (image largement relayée par les médias occidentaux), montrer au monde entier que malgré Karadzic, Mladic et leurs séides, les ressortissants serbes n’étaient pas tous des violeurs de femmes ou des massacreurs de civils en puissance mais ça, on s’en doutait déjà. Deuxièmement, réaffirmer que Bosnie ou pas Bosnie, la guerre reste en général une belle saloperie (citations de Céline à l’appui) et ça, on s’en doutait aussi. Ce ne sera donc pas sur l’évidence bien appuyée de son propos que Joli village jolie flamme nous intéressera, mais plutôt sur la façon dont il réinventera les règles du huis clos suffocant. De fait, Dragojevic et ses scénaristes ont su brosser des personnages riches et consistants : l’intello soldat malgré lui, le vieil officier du temps de Tito, le jeune homme qui ne pense qu’au sexe, le type dont le meilleur ami d’enfance est désormais dans l’autre camp, etc. Au milieu de cette jeunesse serbe plurielle et embourbée dans la guerre vient s’échouer une journaliste américaine attirant sur elle toutes les rancœurs antimédias occidentaux. Grâce aux comédiens et à des dialogues inspirés, souvent chargés d’un humour noirâtre, la description de la survie quotidienne du groupe est assez réussie, quelque part entre Beckett et Ionesco, et donne lieu à certaines scènes étonnantes (acculés par la soif, les soldats sont contraints de boire leur propre urine). Evidemment, ce huis clos militaire sous tension fait tout de suite penser à certains films de guerre comme Steel helmet ou Côte 465. Mais Dragojevic est yougoslave, c’est-à-dire plus proche des pesanteurs ampoulées d’un Kusturica que du baroque épuré d’un Fuller ou de la pointe sèche d’un Mann. Avec ses doigts tranchés, ses flaques de sang vermillon, ses yeux rougis, ses cernes bleutés, sa lumière crue, la mise en scène est ici d’un réalisme lourd et laid qui ne possède ni la matité du cinéma hollywoodien classique ni la poésie hyperréaliste du meilleur cinéma gore. Pas assez épuré (ou pas assez halluciné), Joli village jolie flamme est un bon matériau scénaristique qui n’a pas trouvé sa mise en forme.
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