Honoré par la Cinémathèque et auteur d’un brillant « Mad Detective », le maître du polar hongkongais nous parle de l’inspiration de son film, ses méthodes de travail, et ce vers quoi se dirige son cinéma.
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A Cannes l’année dernière, vous annonciez que Mad Detective serait le dernier film d’une époque pour votre société de production, la Milkyway Image ? Qu’en est-il ?
Qu’on le veuille ou non, Johnnie To et Wai Ka-fai seront toujours Johnnie To et Wai Ka-fai et dans les films à venir, vous retrouverez notre style. On ne peut pas faire table rase du passé et en cela, Mad Detective ne clôt pas pleinement les dix premières années de la Milkyway.
En fait, il est amusant que Mad Detective fasse ainsi charnière. Le tout premier film Milkyway s’appelait Too Many Ways To Be Number One (1996). J’en étais le producteur, Wai Ka Fai s’occupait de la réalisation, et Lau Ching-wan tenait déjà le rôle principal. Il se trouve que 10 ans après, nous retravaillons ensemble tous les trois alors que se profile une nouvelle orientation pour notre société, aussi bien sur un plan créatif qu’économique. Il se peut que je réalise bientôt un film à l’étranger dans une langue étrangère. Et l’on sera sans doute amenés à travailler en Chine, car jusqu’à présent, ni Mr Wai, ni moi n’avions collaboré avec des partenaires chinois. On y réfléchit. Rien n’est gravé dans le marbre.
Qu’est ce qui change dans la manière dont se fait le film quand, comme ce fut le cas pour Mad Detective, vous cosignez la réalisation avec votre partenaire de la Milkyway, Wai Ka-fai ? Comment s’effectue le partage du travail de fabrication du film ?
Auparavant, Wai Ka-fai était rarement sur le plateau. Comme vous le savez, il est scénariste de formation, et il s’occupait surtout des scénarios de mes films. En général, on discutait avant le tournage et après il regardait mes rushes, formulant des idées au fur et à mesure. On se voyait rarement sur le plateau, j’y étais seul.
Mais pour Mad Detective, c’était très différent. Wai Ka-fai était avec moi 80% du temps du tournage. En réalité, celui qui a dirigé le film, le chef sur le plateau, c’était moi. Je dirigeais l’essentiel, et Wai Ka-fai était toujours à coté de moi, il regardait et donnait son avis. Il faut savoir que lorsqu’on a commencé le film, on n’avait pas de scénario fini – j’ai l’habitude de travailler sans. Wai Ka-fai écrivait la trame au jour le jour, et sur le plateau, on ne cessait de discuter de l’orientation du récit. Mais celui qui dirigeait les comédiens, c’était moi.
Comment définiriez-vous l’apport de Wai Ka-fai, ce qui dans le film n’appartient qu’à lui ?
Comme on tournait le film sans scénario, Wai Ka-fai a joué un rôle primordial dans la façon dont est mené le récit. Il y a eu sans cesse des discussions sur comment aboutir sur quelque chose de cohérent a l’écran sans avoir recours à un récit linéaire, en bifurquant tout le temps. Avec Wai Ka-fai, tous les jours, on testait des idées. Sur ce plan là, il fut un apport essentiel, il avait ses idées, moi les miennes, et on discutait, on essayait des choses, et quand ça ne marchait pas, on recommençait et on en trouvait d’autres. Si Wai Ka-fai n’était pas là, je ne pense pas que je pourrais travailler comme ça.
D’où vous est venue l’inspiration de Mad Detective ?
Au départ, il y a un fait divers. Il y a deux ans à Hong Kong, un policier a volé une arme à un de ses collègues. Avec le flingue, il est allé faire des braquages jusqu’à être tué lors d’une fusillade dans un tunnel. Je me suis inspiré de cette histoire qui m’avait beaucoup marqué. Il me semblait qu’elle constituait un matériau riche pour traiter de la problématique du Bien et du Mal, et de leur difficile équilibre en chacun d’entre nous. Quand on fait un film, polar ou pas, il faut avoir une vision, il faut savoir où on va. Et il faut qu’on arrive projeter quelque chose de cette vision à l’écran. Tout dans un film tient pour moi à l’enchassement du style et d’une vision. Et il faut que le spectateur voit ça.
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