Désirs adolescents et chassé-croisé érotique dans une Lisbonne enchantée. Un film picturalement superbe.
Il y a à peine quelques semaines, nous vous parlions de Montanha – Un adolescent à Lisbonne de João Salaviza, et voilà que nous arrive à nouveau un de ces films dont seul le cinéma portugais a le secret – mélange de torpeur balnéaire, d’érotisme badin, d’odeurs mélancoliques et d’extravagances narratives.
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John From de João Nicolau suit ainsi les vacances de deux adolescentes lisboètes, Rita et Sara, qui lézardent entre leur chambre et les terrasses des cafés tout au long de l’été. Apparaît alors un voisin, Filipe (sorte d’Adam Sandler lusitanien), commissaire d’une exposition sur l’art primitif des îles du Pacifique.
Cet homme mûr, et l’art mélanésien sur lequel il travaille, ensorcèlent la jeune Rita, ouvrant le film à la fantaisie et au décrochage, sous forme de visions exotiques et de scènes surréelles dont Nicolau parsème librement son récit.Ainsi, une sorte de pays imaginaire paradisiaque et fantasmé viendra ici et là s’inviter dans la Lisbonne contemporaine.
Un moteur, le désir féminin
On ressortirait volontiers la formule éculée du “réel réenchanté par la fantaisie”, si la ville n’était elle-même dès le départ filmée comme un lieu enchanté et idyllique, un espace de chaleur et de volupté. Non, aucune dualité entre grisaille urbaine et échappées oniriques chez João Nicolau, qui ne s’intéresse en fait qu’à une chose : le désir féminin, moteur de toute la partie de John From qui évoquera volontiers le teen-movie, dans une version cotonneuse et alanguie (le chassé-croisé érotique avec Filipe, avec lequel l’écart d’âge n’est jamais présenté comme un problème).
Ce désir étant d’une certaine manière également la matrice des phases hallucinatoires, qui apparaissent comme les divagations d’un esprit agité par le chaos hormonal, comme une transe amoureuse et érotique qui emporterait le film au point de le faire léviter au-dessus du réel.
Jeux pop et colorés
Oisif et badin, John From n’en est pas moins rigoureux dans sa découpe, son sens assuré et élégant du mouvement, du montage (signé par le réalisateur Alessandro Comodin), où Nicolau fait montre d’une grande attention apportée à ses compositions : jeux pop et colorés dans les rayonnages de conserves au supermarché où la jeune fille poursuit son crush ; théâtre des balcons d’immeubles dont le réalisateur joue comme d’une maison de poupées, etc.
C’est qu’enfin c’est bien à des arts de l’image fixe (peinture ou photographie) que renvoie souvent João Nicolau, qui semble toujours vouloir arrêter un instant l’écoulement du temps sur ses plans pour y isoler des compositions. Son film laisse un souvenir à la Gauguin ; ou alors l’impression d’avoir feuilleté le journal intime estival d’une jeune fille en fleur qui, entre deux pages griffonnées de texte, se serait laissée aller ici et là à un dessin improvisé.
John From de João Nicolau (Por., 2015, 1 h 35)
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