Jin-Roh est une oeuvre de science-fiction spéculative, ou rétro-fiction, genre plus répandu en littérature (Norman Spinrad, Philip K. Dick) qu’au cinéma. Elle prend pour cadre le Japon des années 50, troublé par de graves crises politiques et sociales. La première et magnifique scène du film reconstitue de façon quasi documentaire une manifestation dans Tokyo réprimée […]
Jin-Roh est une oeuvre de science-fiction spéculative, ou rétro-fiction, genre plus répandu en littérature (Norman Spinrad, Philip K. Dick) qu’au cinéma. Elle prend pour cadre le Japon des années 50, troublé par de graves crises politiques et sociales. La première et magnifique scène du film reconstitue de façon quasi documentaire une manifestation dans Tokyo réprimée par les forces anti-émeutes. Soudain apparaissent des robots-soldats de l’unité Panzer chargés de traquer les terroristes de « la secte ». Comme le précise Hiroyuki Okiura, son jeune et surdoué metteur en scène (à 29 ans, il a participé en tant qu’animateur aux principaux chefs-d’oeuvre de l’anime : Akira, Memories, Ghost in the shell… et signe ici sa première mise en scène) : « Jin-Roh est un conte fantastique ancré dans un contexte historique précisément daté ». Adapté d’un manga de Mamoru Oshii, visionnaire de l’animation nippone, Jin-Roh est l’histoire d’un soldat de cette troupe d’élite qui, impliqué dans la mort d’une jeune fille porteuse de bombes, se retrouve entraîné dans une sombre histoire de complot. A cette trame complexe se superpose une relecture surprenante du Petit chaperon rouge de Perrault.
Cette allégorie va pourchasser le héros dans de stupéfiantes scènes oniriques et lorsqu’il croise le double de sa victime, Jin-Roh bascule alors vers une romance morbide à la Vertigo. Littéralement absorbé par la cyber-culture et les mangas, Okiura considère les allusions politiques nationalistes de Oshii, de quinze ans son aîné, en dehors de ses préoccupations. « Oshii avait dans l’oeuvre originale des intentions contestataires qui ne sont pas les miennes. Je me suis concentré sur la psychologie des personnages, sur la dualité du caractère principal qui oscille entre le Bien et le Mal, l’homme et le loup. C’est ce combat intime qui m’a préoccupé. » A la différence des classiques de l’anime japonaise, Jin-Roh a été conçu sans doute pour la dernière fois de l’histoire de l’animation selon des méthodes traditionnelles, c’est-à-dire entièrement à la main. Le réalisme de certaines scènes est si impressionnant que l’on ne peut s’empêcher d’évoquer le cinéma « live », pourtant absent de la pensée d’Okiura : « Ce que j’aime, dans l’anime, c’est que l’on peut agir en démiurge et créer de toutes pièces non seulement un univers, mais des personnages, sans passer par l’intermédiaire d’acteurs qui vont apporter non seulement leur visage mais aussi leur vécu à leur rôle. J’invente des personnages à partir de rien, et c’est moi qui leur apporte, par l’animation et le dessin, une dimension humaine. » Cette arrogance prométhéenne ne risque-t-elle pas d’entraîner l’anime vers un méta-cinéma de plus en plus dévoré par l’inflation créatrice ? Pourtant, Okiura est sans conteste parvenu à créer avec Jin-Roh une oeuvre poétique et émouvante, mélange presque inquiétant à force de beauté, de romantisme juvénile, de nostalgie impérialiste et de fascination machiniste.Adapté d’un manga, Jin-Roh est un mélange dense et envoûtant de conte de fée et de délire conspirationniste.
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