Ce documentaire, à voir ce 11 mars sur Arte, nous raconte avec beaucoup de justesse l’histoire du comédien burlesque, de ses débuts sur petit écran à ses exploits à Hollywood. La vie d’un génie qui n’est pas toujours reconnu à la hauteur de son importance.
La dernière fois que Jim Carrey nous a donné des nouvelles, c’était le 13 février dernier, lors du Super Bowl, à Los Angeles. Durant la fameuse mi-temps, il est apparu une minute sur les téléviseurs américains, dans son vieux costume du Cable Guy, faisant de la réclame pour un fournisseur Internet. Ce subreptice (et richement rémunéré) clin d’oeil nous a d’abord rappelé à quel point l’acteur nous avait importé durant la décennie 1990 (dont The Cable Guy est l’une des plus importantes comédies). De façon indirecte, en creux, il nous a également remis en mémoire un exploit moins connu du comédien canadien, lié au Super Bowl, mais trente ans auparavant.
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Et cet exploit est justement central dans le brillant documentaire Jim Carrey, l’Amérique démasquée réalisé par Adrien Dénouette (auteur d’un essai éponyme publié en décembre 2020 aux éditions Façonnage) et Thibaut Sève, diffusé ce vendredi soir 11 mars sur Arte. En 1992, nous rappellent les deux auteurs, Jim Carrey n’était pas encore connu et officiait dans un show comique hebdomadaire, diffusé sur la jeune chaîne Fox, intitulé In Living Colors. Aux côtés des frères Wayans (qui furent les chantres d’un humour afro-américain caustique et politique avant de se vautrer dans les parodies Scary Movies dans les années 2000), le jeune comique écrivait et interprétait toutes sortes de sketchs où il pouvait déployer ses pitreries burlesques et surtout son incroyable plasticité faciale. Ce fut là sa véritable rampe de lancement.
D’attention whore à génie du cinéma
Et c’est donc avec ses camarades d’In Living Color que Jim Carrey “vola”, en quelque sorte, dans un des plus grands piratages de l’histoire de la télé américaine, la mi-temps du Super Bowl. Pendant qu’ABC diffusait son spectacle de majorettes habituel et ringard, la Fox contre-programma Carrey et ses copains qui, 25 minutes durant, captèrent une bonne part de l’audience, au grand désarroi des annonceurs du foot. C’est à partir de l’année suivante que fut inaugurée la tradition du concert de mi-temps (avec en l’occurrence Michael Jackson), pour éviter qu’un tel accident se reproduise. Tout ça pour dire que Jim Carrey est né, aux yeux de l’Amérique, comme un voleur d’attention — un attention whore dirait-on aujourd’hui, à l’heure des réseaux sociaux.
Dénouette reprend ici la thèse de son livre, à savoir qu’aucun acteur n’a mieux accompagné les mutations technologiques et sociales des trente dernières années, jusqu’à y perdre sa raison d’être (et peut-être la raison tout court), lorsque tout le monde a pu commencer à bénéficier de son quart d’heure de gloire. La force du documentaire provient, outre ses commentaires éclairés et de sa connaissance fine de l’histoire socio-culturelle américaine, de son utilisation extensive d’extraits. C’est ainsi à un véritable travail critique par l’image que se livrent les coauteurs de ce portrait d’un génie d’Hollywood, populaire mais pas toujours reconnu à la hauteur de son importance.
Jim Carrey, l’Amérique démasquée, d’Adrien Dénouette et Thibaut Sève, à voir vendredi 11 mars à 22h30 sur Arte et en replay sur Arte.tv jusqu’au 8 juin
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