A l’occasion de la sortie de « Miss Sloane » de John Madden, portrait de Jessica Chastain, actrice de premier plan de films souvent passionnants de la décennie en cours. Ou comment une jeune femme frêle et diaphane s’est imposée comme symbole de puissance et d’empowerment.
La presse people la dit mystérieuse parce qu’elle est discrète sur sa vie privée. Elle peut changer de visage en une seconde. Certains ergotent sur son âge (a priori 39 ans). Dans une foule, dans la rue, personne ne la remarque, et elle ne fait rien pour. Elle est mince, voire parfois maigre. A la pointe de son menton, une petite fossette. Elle est végétarienne, elle est de son temps. Ses cheveux sont la plupart du temps roux, mais d’un roux qui n’est jamais tout à fait le même. Jessica Chastain (de son vrai nom Jessica M. Howard – Chastain étant le nom de jeune fille de sa mère) a su en quelques films et un peu plus d’un lustre devenir une star internationale. Qu’a-t-elle de différent ?
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L’actrice américaine a très rapidement imposé un personnage féminin tout à fait singulier : elle interprète souvent des personnages sérieux, raisonnables, des femmes fortes. Elle a souvent du pouvoir (elle est souvent cadre, agent de la CIA ou commande l’équipe d’un vaisseau spatial), des connaissances (scientifiques comme dans Interstellar). Sa sexualité ? Pas très présente dans ses rôles, ou très discrètement. Jessica Chastain, après une carrière théâtrale bien remplie, est venue au cinéma (à moins que ce ne soit lui qui soit venu à elle) alors qu’elle avait déjà trente ans passés. C’est peut-être cela, le secret : malgré son teint volontiers diaphane, qui donne une fragilité à ses personnages un peu rudes, elle n’a pas eu à se coltiner des rôles de jeunes premières évaporées.
2011 : Take Shelter de Jeff Nichols :
Après quelques apparitions dans des séries comme Urgences, Chastain est pour la première fois remarquée dans le deuxième film de Jeff Nichols. Aux côtés de Michael Shannon et son visage taillé comme une statue de l’île de Pâques, elle incarne la raison, la mère de famille qui a peur de la folie paranoïaque de son homme qui a décidé de construire un abri suréquipé au fond de son jardin. La petite touche Jessica Chastain, c’est la couleur de ses cheveux : des rousses, dans le cinéma, il n’y en pas autant que cela. Julianne Moore est naturellement fantasque, un peu effrayante. Chez Chastain, le rouge est la touche, le grain de folie de la femme faussement sage.
2011 : The Tree of Life de Terrence Malick :
Aux côtés de Brad Pitt, Jessica Chastain participe à la partie la plus belle de The Tree of Life : celle qui décrit un père sévère, une mère aimante qui tente de contrebalancer l’autoritarisme de son mari en donnant confiance à ses enfants, avant le drame… Elle est toute de tendresse, elle est magnifique. L’un de ses plus beaux rôles.
2012 : Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow :
Changement de rôle : Jessica Chastain est Maya, un agent américain. Elle est chargée de faire « parler » des membres supposés d’Al-Qaïda (notamment un personnage joué par Reda Kateb), afin de retrouver la piste d’Oussama Ben Laden et de préparer son élimination (le film s’inspire évidemment de faits réels). Elle y parvient. Au prix fort : celui de l’usage de la torture (des scènes très dures qui firent polémique au moment de la sortie du film). Mais Maya est une femme seule, peut-être pas aussi insensible qu’on pourrait le penser au premier abord (ce qui je justifie rien). Elle fait son boulot. Avec ses lunettes Ray-ban aviateur, Chastain virilise en tout cas son image.
2014 : Interstellar de Christopher Nolan :
Encore un très beau rôle. Bien que son rôle soit, en temps de présence à l’écran, assez court (on la découvre pour la première fois au bout de 80 minutes de film), Jessica Chastain joue un rôle prépondérant dans le récit. Difficile de le résumer ici (il est très complexe), mais Murphy (dite « Murph ») est la fille de Cooper (Matthew McConaughey) un astronaute parti chercher une planète où l’humanité, menacée de disparition par la dégradation du climat terrestre, pourra se réfugier et s’épanouir. Murph est souvent visitée par un fantôme, qui lui laisse des messages mystérieux. Et puis elle grandit. Devient une scientifique réputée. Son père ne revient pas. Elle le vit comme une trahison. Mais le fantôme revient. Murph va bientôt sauvez le monde. Chastain joue le ressentiment, l’intelligence, la ruse aussi. Elle est très belle et attirante, peut-être pour la première fois. Regardez ce photogramme :
2014 : A Most Violent Year de J.C. Chandor :
La voici soudain blonde ! Encore un rôle de mère et épouse, loin d’être une femme effacée… Plus forte que jamais, elle tente contre vents et marées de soutenir son mari (Oscar Isaac), dont elle est le conseiller financier, un entrepreneur dépassé par ses incartades à la loi (même s’il a été un peu poussé à tomber dans l’illégalité). Sa blondeur lui donne un petit côté vulgaire, populaire, qui la sort de ses rôles précédents. Changez de couleur de cheveux, changez de personnalité…
2015 : Seul sur Mars (The Martian) de Ridley Scott: Melissa Lewis
Retour à un roux, d’ailleurs plutôt sombre. Jessica Chastain dirige désormais une équipe d’astronautes américains qui a été contrainte d’abandonner sur Mars un des leurs (Matt Damon), persuadés qu’il était mort. Il va survivre. A la NASA, tout le monde se réjouit. Seul le commandant Melissa Lewis (notre Jessica préférée) se sent coupable de l’avoir abandonné. Mue par son sens de l’honneur, elle repart le chercher. Droite, indomptable, rigoureuse et humaine, Chastain, après Interstellar, resplendit une fois de plus dans un film de science-fiction.
A suivre…
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