Acteur, puis cinéaste burlesque d’exception, inoubliable dans Le Tombeur de ces dames ou Docteur Jerry et Mister Love, Jerry Lewis est mort le 20 août, à 91 ans.
Il y avait quelque chose qui tenait de l’abstraction dans le comique surtout visuel de Jerry Lewis – dont on peut être certain qu’il fit le lit d’un autre génie : Jim Carrey. Ses capacités grimacières étaient telles qu’elles déconnectaient presque ses personnages du reste de l’humanité. Les déformations de son visage devenaient non plus un outil comique, mais un spectacle en soi, qui méritait des digressions dans ses films (c’est évident dans Le Zinzin d’Hollywood).
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Jerry Lewis est donc mort. Il avait 91 ans. D’origine juive russe, il n’était pas de la tradition de ce qu’on nomme trop facilement l’humour “juif new-yorkais” (l’écrivain S. J. Perlerman, Groucho Marx, Woody Allen, etc.). Son comique n’était pas verbal. Dans la lignée de Harpo Marx, il était une sorte de mime musical.
Un duo légendaire avec Dean Martin
Il avait débuté au music-hall, puis à la télé en formant un duo avec Dean Martin. Ce dernier était le clown blanc, Lewis l’auguste. Ce qui n’est pas le rôle le plus valorisant. Puis, il y eut la séparation avec Martin. Lewis, qui se lançait alors dans le cinéma via des comédies de Frank Tashlin (Artistes et modèles en 1955), commença à réaliser ses propres films (Le Dingue du palace, Le Tombeur de ces dames…). Il mit aussi au point un numéro, celui de la machine à écrire, qui fit le tour du monde et qu’il reprit sur scène.
Son chef-d’œuvre de cinéaste est probablement Docteur Jerry et Mister Love, où Lewis jouait à la fois l’auguste (un prof de chimie très laid) et le clown blanc (un tombeur). Il avait réussi, seul, à reformer son couple avec Dean Martin. Une performance.
Il fut aussi l’un des créateurs, dans les années 1960, du Téléthon. Pour les Américains, il était devenu une personnalité philanthrope, mais un artiste ringard. Seule la critique française continuait à faire l’éloge de son talent de cinéaste. C’en était presque devenu un gag (La France, le seul pays où l’on considère Jerry Lewis comme un génie)… Godard vantait ses mérites, lui rendait hommage en le singeant (notamment dans Soigne ta droite). Pierre Etaix était son ami.
Un talent dramatique impressionnant
Mais Lewis ne trouvait plus de financement pour produire ses films. Ainsi, en 1972, il commence le tournage The Day the Clown Cried, qui restera à jamais inachevé et bénéficie de l’aura des films fantômes : l’histoire d’un clown chargé, dans un camp d’extermination, d’accompagner les enfants jusqu’à la chambre à gaz…
Il devint acteur chez les autres et révéla un talent dramatique assez impressionnant, dans des rôles peu sympathiques : dans La Valse des pantins de Martin Scorsese (1983), il joue presque son propre rôle, celui d’un grand comique devenu animateur d’un show télé. On le voit aussi en oncle de Johnny Depp dans Arizona Dream d’Emir Kusturica (1993).
Malgré quelques tentatives de réalisations (et des participations dans des films minables de Philippe Clair, en France), il ne retrouvera jamais le niveau de ses comédies des 60’s et quittera peu à peu le devant de la scène, miné par les maladies.
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