Sa prestation dans le western moderne Winter’s Bone lui a valu une nomination aux oscars comme meilleure actrice. Jennifer Lawrence est, à 20 ans, la nouvelle sensation d’Hollywood.
Le 28 février sonne habituellement la fin de la période de chasse. C’est aussi la fermeture de la saison des oscars, ce semestre à haut risque où studios et indépendants, acteurs et réalisateurs, compositeurs et costumières jettent leurs forces dans la bataille dans l’espoir d’arracher une statuette. Dans sa grande magnanimité, l’Académie a depuis longtemps pris l’habitude de nommer dans les catégories meilleure actrice ou meilleur second rôle féminin une jeune fille encore méconnue, de préférence issue d’un film indépendant/coup de coeur.
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Impressionnante dans Winter’s bone
Cette année, c’est Jennifer Lawrence, à l’affiche de l’excellent Winter’s Bone, qui bénéficie de ce coup de projecteur après Carey Mulligan, Ellen Page, Saoirse Ronan ou Amy Adams. Rarement le choix des sages nous a paru aussi judicieux. La jeune femme, 20 ans à peine, impressionne dans ce western sec, physique et tendu où elle est quasiment de chaque plan.
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Auréolé d’un Grand Prix à Sundance et nommé quatre fois aux oscars (notamment comme meilleur film), Winter’s Bone, de Debra Granik, se trouve être le parfait véhicule pour une actrice débutante et ambitieuse. Cela n’a pas échappé à Jennifer Lawrence : « Un jour, mon agent m’appelle : ‘j’ai trouvé le meilleur scénario possible, tu dois tout faire pour avoir le rôle’… Je suis donc allée à Los Angeles et j’ai passé deux auditions. Ils ne m’ont pas prise : ils me trouvaient trop jolie ! Quand je l’ai appris, Debra était déjà repartie à New York. J’ai sauté dans un avion, je n’ai pas dormi de la nuit, je me suis rendue dans ses bureaux en courant, sous la neige, et je l’ai suppliée de me redonner une chance. Cette fois-ci, elle ne m’a pas trouvé ‘trop jolie’. »
L’anecdote, qu’on devine savamment préparée, donne une idée assez exacte du personnage : affaissée sur le canapé, impeccablement apprêtée et légèrement boudeuse, Jennifer Lawrence semble à peine sortie des affres de l’adolescence tout en laissant l’impression de savoir exactement ce qu’elle veut. « Je ne me sens bien que sur un plateau. Mais j’ai conscience qu’il faut en passer par des interviews et des cérémonies guindées pour y avoir droit », reconnaît-elle avec une franchise qui détonne.
Pour ce rôle d’Antigone moderne à la recherche d’un père volatilisé, elle dit n’avoir pas tellement puisé en elle-même, tout en reconnaissant son entêtement (« mais seulement d’un point de vue professionnel ») et un côté maternel (« certains de mes amis m’appellent ‘mom' »).
Née dans une petite ville du Kentucky, elle concède avoir eu peu d’efforts à fournir pour assimiler les intonations du Missouri – le film se situe dans un comté très reculé de l’Etat – ainsi que certains gestes pourtant peu communs pour une jeune fille, comme éviscérer un écureuil. D’un naturel impressionnant tout au long du film, Jennifer Lawrence doit être, se dit-on, le genre d’actrice programmée pour la gloire, se rêvant star depuis le berceau…
Erreur : « Je serais incapable de vous dire ce qui m’a donné envie de faire ce métier. Je n’ai jamais fait de théâtre ou pris de cours d’art dramatique, je vais depuis peu au cinéma et mes parents ne sont pas du métier… A 14 ans, j’ai juste su que je voulais faire ça et rien d’autre. » Et de convaincre sa famille de déménager à New York…
Dans la métropole, elle multiplie les castings et après quelques pubs se fait embaucher à la télé dans une sitcom intitulée The Bill Engvall Show. Sa carrière est lancée. A 17 ans, elle passe à côté de Twilight mais décroche un rôle dans un film indépendant, The Poker House de Lori Petty.
Opiniâtre et flippante dans Loin de la terre brûlée
L’année suivante, Guillermo Arriaga l’engage dans son film Loin de la terre brûlée. Elle y joue le même rôle que Charlize Theron (son actrice préférée, avec Meryl Streep, Cate Blanchett et Julianne Moore) avec quinze ans de décalage. On garde du film un souvenir assez précis de cette gamine opiniâtre et flippante, bien décidée à faire cramer maman dans une caravane au milieu du désert – rôle qui lui vaudra un prix au festival de Venise.
Désormais installée à L. A., elle croule sous les propositions. Avant le prochain Oliver Stone (Savages, en préproduction) et un nouveau volet de X-Men ( » Le Commencement », en salle cet été), dans le rôle de l’ultraplantureuse Mystique, les Américains pourront la voir au printemps dans le troisième film de Jodie Foster, The Beaver (« le castor » en français).
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Elle y joue la belle-fille de Mel Gibson, pdg dépressif reconverti dans le ventriloquisme – d’où le castor… Nous revient en mémoire ce que Jennifer Lawrence fait subir à ce pauvre écureuil dans Winter’s Bone, et l’on se dit que certains animaux poilus feraient bien de prendre garde.
Jacky Goldberg
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