Gouailleur, séduisant, d’une ironie matoise, Jean-Pierre Marielle a conféré une excentricité parfois flamboyante à des films souvent très mineurs. Il est décédé le 24 avril dernier, à l’âge de 87 ans.
Avec le temps, Jean-Pierre Marielle était devenu un vrai personnage. Une figure qui se confondait souvent avec ses rôles et qui avait fini par faire l’objet d’un véritable culte pour une nouvelle génération qui savourait, non sans ambiguïté, ses répliques les plus fameuses. Une preuve irréfutable : Marielle avait fait la couverture du premier numéro de la revue Schnock ! Membre à part entière, aux côtés de Jean Rochefort ou de Claude Rich, d’une bande d’acteurs qui s’étaient rencontrés au Conservatoire et dont la figure centrale était incontestablement Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle était d’abord une voix. Une voix de stentor à l’imparable gouaille qui avait résonné dans quantité de films français, plus ou moins fréquentables.
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Car si on épluche la filmographie de celui qui incarna, majestueusement, le gambiste De Sainte-Colombe dans Tous les matins du monde d’Alain Corneau ou, brillamment, le tempétueux marquis de Pontcallec dans Que la fête commence de Bertrand Tavernier, on trouve fort peu d’œuvres majeures, à part peut-être Quelques jours avec moi de Claude Sautet, très savoureux en directeur d’un supermarché de province, et, surtout, Tenue de soirée de Bertrand Blier, dans lequel il fait une apparition remarquée en grand bourgeois qui s’ennuie par manque de sensations fortes. Et si on cherche un peu plus loin, on peut aussi goûter ses prestations dans le drolatique et poétique L’Amour c’est gai, l’amour c’est triste de Jean-Daniel Pollet ou, même, dans Quatre mouches de velours gris, deuxième long métrage de Dario Argento, où il est forcément doublé en italien et où il interprète, d’une manière surprenante, un détective privé gay.
Il flirtait avec la beauferie tout en la transcendant
Mais la grandeur de Jean-Pierre Marielle ne se confond pas avec la liste de ses nombreux rôles. Elle est plutôt à chercher dans la méticulosité avec laquelle le comédien a su incarner, d’une manière volontiers flamboyante, une certaine image du Français, pas si moyen que ça, d’ailleurs, flirtant avec la beauferie tout en la transcendant avec une forme de gourmandise. C’est dans les années 1970 qu’il invente son personnage dans des films de Claude Berri (Un moment d’égarement dans lequel il est assez touchant et surtout Sex-Shop, où il incarne, avec un certain génie, un dentiste partouzard), d’Yves Boisset (Dupont Lajoie, où son personnage est tranquillement abject) ou, déjà, chez Blier (dans le bizarre Calmos).
Une dimension quasi mythique
Mais c’est surtout chez Joël Séria et Georges Lautner qu’il a trouvé une dimension quasi mythique. Pour un nombre non négligeable de ses admirateurs, Jean-Pierre Marielle restera pour toujours Henri Serin, marchand de parapluies à la recherche de l’absolu érotique et pictural dans une Bretagne peuplée de femmes avenantes. C’était bien sûr dans Les Galettes de Pont-Aven, réalisé par Séria au milieu des années 1970 qui faisait d’ailleurs suite au plus méconnu Charlie et ses deux nénettes où il jouait déjà un représentant de commerce. A titre personnel, c’est chez Lautner que je le préfère. En improbable agent du Mossad dans La Valise mais surtout dans le rôle de Bob Morlock, producteur de porno haut en couleur dans On aura tout vu. L’homme y prononce cette réplique grandiose : “Une nympho dans un commando, c’est génial.”
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