Les triomphes publics de “Diva” et “37°2” en ont fait un cinéaste emblématique des années 1980. Mais la suite de sa carrière fut plus chaotique.
En réalisant seulement six longs métrages de fiction en 40 ans de carrière, Beineix n’a sans doute pas été le cinéaste le plus productif, mais il a su marquer une époque. Une esthétique publicitaire appliquée au cinéma, qu’on attache à une “bande” de jeunes réalisateurs français, résolument anti-Nouvelle Vague, attirée par l’imagerie, bien représentative des années 1980, Jean-Jacques Beineix, Luc Besson, Jean-Pierre Jeunet (mais pas Leos Carax, comme on le lit parfois).
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Jean-Jacques Beineix avait d’abord été, longtemps – pendant toutes les années 1970 en fait – assistant-réalisateur pour la télé, puis le cinéma : de René Clément, surtout de Claude Zidi sur des comédies avec De Funès et Belmondo, de Nadine Trintignant. En 1977, il est nommé pour le César du meilleur court métrage de fiction. Et tournait son premier film, Diva, qui obtient le César de la meilleure première œuvre en 1982. Diva était un objet filmique incongru, un polar tout en jaune et bleu, avec une baignoire au milieu (avec Richard Bohringer tout nu dedans) d’un grand loft un peu cradingue. De l’opéra (ça faisait un peu classieux). C’était chébran.
Adaptations
Il a ensuite adapté un roman noir de David Goodis, La Lune dans le caniveau, avec Gérard Depardieu et Nastassja Kinski (une icône de l’époque, découverte par Polanski dans Tess), mais l’alliage entre une noirceur esthète hérité du réalisme poétique (tendance Marcel Carné) et d’un colorisme crado-chic d’époque (tendance clips de Duran Duran) a laissé le public cannois perplexe au Festival de Cannes 1983 et le film s’est fait copieusement hué. “La pub dans le bas niveau”, titre Libération. Comme il avait mauvais caractère, Beineix attirait les agressifs et se faisait attaquer de partout.
Le second film qui restera de Beineix est 37 °2 le matin, d’après le roman de Philippe Djian. Adaptation fidèle du roman, une fois de plus très esthétisante. On peut reprocher tout ce qu’on veut au cinéma de Beineix, il aura, au moins, su repérer, avec son directeur de casting Dominique Besnehard, le grand talent, et même le tempérament exceptionnel d’une actrice à nul autre pareil, qui est devenue une actrice populaire et respectée du grand public français : Béatrice Dalle. C’était en 1986 et Dalle ne garda pas que des bons souvenirs du tournage (notamment à cause de la scène inaugurale de sexe avec Jean-Hugues Anglade)…
Malchance
En 1989, il tourne Roselyne et les Lions avec la mystérieuse Isabelle Pasco, et ça ne fonctionne plus du tout. Un film sur deux… La malchance est un peu sa marque. Yves Montand meurt à la toute fin du tournage d’IP5, en 1992. La presse de caniveau se lâche et accuse Beineix de l’avoir épuisé. N’importe quoi.
Son dernier film, Mortel transfert, fait un flop. Nous sommes en 2001. Depuis vingt ans, Beineix ne se consacra qu’à une poignée de documentaires (comme réalisateur ou producteur). Régulièrement, il avait refusé de tourner des blockbusters hollywoodiens, comme Évita, Le Nom de la rose, Alien 3. Homme accessible, on le croisait parfois sur Facebook. On pouvait discuter, mais il valait mieux être d’accord avec lui. Cette véhémence lui coûta sans doute cher dans sa carrière. Qu’il repose désormais en paix.
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