Jean Eustache racontait le projet d’un mystérieux scénario baptisé « L’oiseau des vacances » en 1981, dans un court audio radiophonique bricolé, qui mélangeait messages laissés sur son répondeur et extraits de ses films.
Il arrive qu’on oublie la voix d’un cinéaste, son timbre ou sa diction. De simples détails qui donnent pourtant un ton, une couleur à leurs idées, au revisionnage de leurs films. Pour Eustache justement, la parole – ou son absence – était centrale : dans La Maman et la putain, Léaud devait connaître chaque réplique à la virgule près et son personnage, Alexandre, disait d’ailleurs ironiquement à Véronika : « Ne parler qu’avec les mots des autres, c’est ce que je voudrais. Ce doit être ça la liberté« . Son film suivant, Mes petites amoureuses, au contraire est presque entièrement muet, comme si l’enfance, elle, se passait de mots.
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« L’oiseau des vacances »
(Re) découvrez la voix de Jean Eustache dans un document radiophonique – véritable trésor de cinéphile – que partageait Luc Béraud, son ancien assistant et auteur de l’ouvrage Au travail avec Eustache, sur le site de la Cinémathèque en mai 2017. Il rendait ainsi sonore pendant dix minutes, la parole calme du cinéaste de génie, avec son léger accent chantant du Sud-Ouest. Quelques mois avant son suicide en 1981, le réalisateur révélait le projet d’un scénario intitulé « L’oiseau des vacances ». Invité par Georges Lavaudant à la Radio du festival d’Avignon, dirigé par Bernard Faivre, Eustache, cloîtré chez lui, refuse mais leur fait parvenir tout de même une cassette.
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Un montage sonore inédit
Détournant l’idée d’un entretien classique, Eustache livrait un document hybride, un compte rendu de sa journée qui mêle les messages sur son répondeur laissés par des amoureuses ou des extraits audio de ses films (Une sale histoire, son court de 1977). Il faut l’imaginer avec ses lunettes rondes aux verres légèrement fumés, les cheveux longs, dans son appartement de la rue Nollet (une rue parallèle à la rue Truffaut, dans le 17e arrondissement de Paris), bricolant ce montage déjà hautement cinématographique.
On découvre surtout les détails du mystérieux scénario dont la première scène rappelle l’Homme qui dort de Perec, un film qui donnerait « à voir l’inachevé, l’infini, le monde à perte de vue« . Le scénario ne connaîtra pourtant aucune suite puisque le 5 novembre 1981, Jean Eustache se tire une balle dans le cœur après avoir pris soin de punaiser sur la porte de sa chambre : « Frappez fort. Comme pour réveiller un mort. » Le personnage du scénario avorté s’appelle Charles, comme celui qui chante « l’oiseau des vacances », dont Eustache conseille d’écouter « surtout la fin«
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