L’héroïne de “Rien à foutre” éclaire cette étude de la justice restaurative lestée par une mise en récit artificielle.
Après une incursion du côté du polar teinté de farce (Elle l’adore, 2014), Jeanne Herry a trouvé son terrain de prédilection et sa méthode. Alors que Pupille (2018) décrivait avec monomanie les mécanismes suivant l’adoption d’un enfant né sous X, la réalisatrice reprend ici le procédé du film choral dans un nouveau cadre : la prison.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Comme pour Pupille, son entreprise se rapproche de celle d’un certain cinéma documentaire (Depardon, Wiseman) qui regarde les institutions comme métaphores de l’humanité, dans des films qui visent à la compréhension du monde par l’étude de cas. Elle concerne ici la justice restaurative, dispositif peu connu et salvateur qui, depuis 2014, propose à des victimes et des auteur·rices d’infractions de se rencontrer pour dialoguer.
Esquiver les clichés
Si le sujet passionne, Je verrai toujours vos visages se révèle figé par une forme d’impuissance face au réel, comme si sa fiction, qui voudrait se substituer à une évidence naturaliste, était empêtrée par les tics usuels de ce fameux “faire vrai” (des comédien·nes qui performent leurs rôles de “gens de la vraie vie”, des discussions en aparté sur le goût du café et le Savane du quatre-heures…).
Dans cette recomposition qui croit aussi trouver son essence dans la fadeur de son décor (la grisaille domine), seule Adèle Exarchopoulos parvient à rendre tangible son récit, monté en parallèle des séances détenus-victimes, et son passé douloureux. Sans doute parce que l’actrice esquive avec une dextérité folle tous les clichés auxquels ses camarades se trouvent assez vite acculé·es (la tendre virilité de Gilles Lellouche, la colère de Leïla Bekhti, la fragilité de Miou-Miou) et possède ce don unique qui lui permet de court-circuiter toute idée d’artificialité pour ne garder que la fascinante présence de son visage qui, lui, échappe au protocole.
Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry, avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti (Fr., 2023, 1 h 58). En salle le 29 mars.
{"type":"Banniere-Basse"}