Samedi soir, 21 heures : on se presse au Vidéoclub de la Butte, rue Caulaincourt, le temple de la cinéphilie du XVIIIe arrondissement de Paris. Les murs de l’endroit soutiennent difficilement les milliers de films, en DVD ou VHS, raretés ou blockbusters récents. Le propriétaire des lieux, Christophe Petit, a organisé la veille, dans l’urgence, […]
Samedi soir, 21 heures : on se presse au Vidéoclub de la Butte, rue Caulaincourt, le temple de la cinéphilie du XVIIIe arrondissement de Paris. Les murs de l’endroit soutiennent difficilement les milliers de films, en DVD ou VHS, raretés ou blockbusters récents. Le propriétaire des lieux, Christophe Petit, a organisé la veille, dans l’urgence, une signature avec son « pote et voisin Michel ». Nom de famille : Gondry. « Il vient ici depuis plus de dix ans, explique notre hôte. Je ne peux pas te dire combien de temps on a passé dans la boutique à discuter cinéma, ça crée un lien, forcément. »
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Sur ces mots, Michel Gondry déboule, looké comme à son habitude (genre nerd), chargé de livres et de dessins, de petites quiches et d’un rouleau de papier toilette entièrement recouvert de dessins à l’encre. Il nous fait promettre qu’on ne lui parlera pas du DVD de L’Épine dans le coeur qu’il vient dédicacer, ni de la sortie de son nouveau film, le superbe teen-movie ambulant The We and the I, en salle depuis une semaine. Rien d’autre que de ce vidéoclub.
« C’est important, dit-il, parce que ce genre d’endroit est unique, et que si l’on ne fait rien il n’y en aura bientôt plus. Les gens pensent que payer trois euros pour louer un film c’est trop, ce qui est absurde. »
Les chiffres sont là : on recensait environ 5 000 vidéoclubs indépendants à Paris dans les années 80, contre un peu plus d’une dizaine de résistants aujourd’hui. Le téléchargement, la VOD, tout concourt à la disparition de ces anciens spots cinéphiles.
« Ma première expérience de vidéoclub ? Comme chaque ado, c’était les cassettes de cul, se souvient le cinéaste, un brin nostalgique. J’y suis revenu beaucoup plus tard ensuite, surtout à l’époque de La Science des rêves : j’étais tout seul dans mon appart, alors je descendais pour voir des Tarkovski ou des Wim Wenders. » C’est également ici qu’il a trouvé l’idée de Soyez sympas, rembobinez, son bel hommage à la culture du vidéoclub. « On doit pouvoir préserver ces lieux de vie de quartier, où les gens se rencontrent, où l’on peut discuter avec le loueur qui a aussi un rôle de conseiller. »
« Boris Vian m’a permis de passer à l’adolescence »
Bientôt Michel Gondry retournera dans les Cévennes, où il termine le montage de son dernier film, l’adaptation de L’Écume des jours de Boris Vian, avec Omar Sy et Audrey Tautou.
« J’ai eu des acteurs sublimes, le film sera peut-être génial. J’ai voulu absolument respecter la mémoire de Boris Vian et c’était du boulot, parce qu’on s’est foutu de sa gueule de son vivant et que je n’ai pas envie qu’on se foute de sa gueule après sa mort. Il y a aussi une valeur plus sentimentale : Boris Vian m’a permis de passer à l’adolescence après Jacques Prévert. Ce sont deux personnes qui ont compté dans la formation de ma conscience d’enfant. »
Une troupe de fans afflue alors pour une signature ou un dessin, quand apparaît une grande brune, très belle, très douce, qui veut à tout prix son portrait griffé Michel Gondry. C’est la chanteuse Loane – apparemment une habituée des lieux -, dont l’élégante rengaine Boby n’en finit plus de nous retourner la tête. On reviendra louer un truc ici, c’est sûr.
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