Un documentaire de facture très classique sur la comète Janis Joplin, qui bénéficie de quelques archives extrêmement émouvantes.
Janis Joplin a t-elle jamais trouvé un équivalent dans le monde de la musique ? Certains s’accordent à dire qu’à plus d’un égard Amy Winehouse fut, tant par son statut d’icône que son train de vie chaotique, la fulgurance de son ascension que le prodige de sa voix, son illustre héritière.
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La mort tragique de la chanteuse britannique, le 23 juillet 2011, acheva de dessiner le sinistre jeu de correspondances entre les deux artistes en même temps qu’elle scellait l’accession d’Amy au légendaire Club des 27 – le panthéon des rock-stars décédées à l’âge de 27 ans.
Six mois avant la sortie de ce Janis, documentaire consacrée à la mythique “Pearl”, sortait Amy, biopic non fictionnel retraçant le parcours tumultueux d’Amy Winehouse. Tout comme il fut impossible de dissocier le destin funeste de la chanteuse de celui de son aînée, il paraît difficile de ne pas considérerJanis à l’aune d’Amy.
Peu d’images d’archives
En utilisant comme matériau principal le formidable fonds d’images (issues aussi bien de la sphère publique que privée) mettant en scène Amy Winehouse – de ses vidéos de famille à de pathétiques scènes de rue captées sur le vif –, le réalisateur d’Amy, Asif Kapadia, était parvenu à créer une nouvelle forme de documentaire, sorte de patchwork informel à la structure narrative retorse, accompagnant l’ascension vertigineuse d’une jeune fille engrenée dans une logique autodestructrice fatale. Confinant parfois au voyeurisme, le film constituait une sorte de manifeste sur les dérives exhibitoires induites par l’essor d’internet au tournant des années 2000.
Si Janis raconte finalement la même chose – l’engloutissement progressif d’une jeune fille fragile dans les eaux tempétueuses de la célébrité –, sa structure revient à une forme documentaire plus classique, fortement dépendante du peu d’images d’archives disponibles.
Une chanteuse longuement sur le fil
C’est au gré de témoignages, de captations de live et de photos de famille au teint sépia que nous suivons l’itinéraire sinueux d’une jeune marginale devenue, presque par accident, l’icône de toute une génération.
Un dispositif qui rappelle celui de No Direction Home de Martin Scorsese, qui retraçait le parcours de Bob Dylan de son enfance à son célèbre accident de moto, en 1966. Mais là où ledit accident fut pour Dylan une mort symbolique, suivie d’une renaissance artistique, l’overdose d’héroïne de Janis Joplin dans un hôtel de Los Angeles, le 4 octobre 1970, entérina la carrière, aussi radieuse qu’explosive, d’une chanteuse longuement sur le fil.
Le tour de force de Janis consiste à laisser planer sur l’ensemble du film l’ombre de sa résolution tragique. Les premières séquences sont à cet égard bouleversantes. On y découvre une jeune fille asociale, grandissant dans les artères moroses de Port Arthur, petite ville texane peu encline aux bouleversements sociaux en passe de transformer le visage des Etats-Unis.
Janis Jolpin est rongée par d’insondables fêlures
Moquée par ses camarades de classe, préoccupée par un physique qu’elle juge ingrat, Janis est rongée par d’insondables fêlures qu’elle exorcisera en partie en fuyant sa ville natale pour rejoindre une Californie plus libérale, vibrant au rythme de la contre-culture et des mouvements contestataires. Mais ses névroses d’adolescente et sa recherche désespérée d’approbation (même auprès d’ineptes détracteurs) ne disparaîtront jamais entièrement.
Dans une scène tardive (élaborée à partir d’archives jusqu’ici inédites), devenue l’icône d’une génération, Janis revient à Port Arthur où elle est accueillie comme l’enfant prodigue d’un pays qui l’a pourtant toujours reniée. Aux journalistes la questionnant sur la joie que lui procure cette reconnaissance, elle répond à demi-mots, esquissant un sourire factice. Mais ses yeux humides et vitreux, son teint blêmi par une consommation effrénée d’héroïne en disent long sur l’ampleur de sa détresse.
Moins intéressé par la carrière musicale d’une rock-star que par le parcours d’une jeune femme emportée dans le tourbillon de la célébrité, Janis brosse le portrait sensible d’une des artistes les plus singulières que la scène musicale des sixties ait engendrées.
Janis d’Amy Berg (E.-U., 2015, 1 h 46)
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