La chanteuse et actrice a rencontré Michel Piccoli sur le tournage de Sept Morts sur ordonnance en 1975, avant de multiplier les rôles au cinéma et au théâtre. Très émue, elle évoque un “homme impeccable”.
“Michel Piccoli était un homme impeccable. Dans tous les sens du terme. On s’est vus pour la dernière fois il y a un an. Quelques heures après sa disparition me reviennent en mémoire plein de beaux souvenirs de tournage. Nous nous sommes connus dans Sept morts sur ordonnance (1975), je dois d’ailleurs une fière chandelle à Michel qui m’avait recommandée pour ce rôle dramatique auprès de Jacques Rouffio. Ce fut une première bénédiction de sa part, même s’il était plutôt anticlérical.
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“On pouvait compter l’un sur l’autre”
Puis on s’est retrouvés dans La Fille prodigue (1981) de Jacques Doillon. C’est aussi à cette occasion-là que j’ai connu la femme de Michel Piccoli, la scénariste Ludivine Clerc, qui lui était totalement indispensable. On pouvait compter l’un sur l’autre.
En 1985, j’ai eu la chance de débuter au théâtre avec Patrice Chéreau pour jouer La Fausse Suivante de Marivaux, aux côtés de Michel, qui était à la fois exigeant et modeste sur un plateau. Patrice et Michel étaient deux personnes d’une grâce absolue. Puis il y eut La Belle Noiseuse (1991) de Jacques Rivette, dont je me souviens comme d’un tournage en famille avec nos enfants respectifs qui le surnommaient Baba Yaga (figure d’un conte russe – ndlr).
“Il ne craignait pas de s’engager”
En 2007, alors qu’il se produisait dans Le Roi Lear de Shakespeare – certainement sa prestation théâtrale la plus juste et étourdissante –, il s’était proposé pour jouer dans mon film, Boxes. Je ne pouvais rêver mieux que lui pour interpréter le rôle de mon père.
Michel Piccoli, c’était aussi un acteur rare qui n’a jamais pris un agent de toute sa carrière. On l’appelait directement pour lui proposer un rôle, il discutait simplement de son contrat et acceptait de se faire peu payer. Il était d’une telle honnêteté… et il pouvait s’énerver contre la malhonnêteté des autres. Je n’aurais d’ailleurs pas aimé le froisser (sourire). Son intransigeance était admirable. J’ai toujours prêté attention à ce qu’il disait et ce qu’il pensait.
Il ne craignait pas de s’engager quand l’actualité le nécessitait, comme pendant le siège de Sarajevo au début des années 1990, en pleine guerre en ex-Yougoslavie. Nous avions tourné dans des clips de soutien pour Médecins du monde. Michel avait des principes.
“Il était d’une grande rigueur morale et d’une extrême fantaisie”
Il était d’une grande rigueur morale, tout en faisant preuve d’une extrême fantaisie. Si je devais garder un seul film avec Michel Piccoli, ce serait Une étrange affaire (1981) de Pierre Granier-Deferrre avec Nathalie Baye et Gérard Lanvin. Il tenait le rôle précisément étrange et inquiétant d’un homme d’affaires. J’avais été décontenancée d’avoir si peur de lui dans ce personnage.
Enfin, en plein deuil de ma fille Kate, Michel m’avait fait le cadeau de dire des textes de chansons de Gainsbourg, en 2014, sur la scène du théâtre de l’Odéon. C’était tellement exquis de l’entendre réciter Variations sur Marilou. Michel va terriblement me manquer.”
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