Pour la première fois en France, l’acteur américain expose à la Galerie Cinéma sa série de photographies intitulée « New Film Stills » en référence à l’œuvre de Cindy Sherman.
James Franco est un véritable touche-à-tout. Il cumule à la fois les casquettes d’acteur, de réalisateur, de scénariste, d’écrivain, de musicien, de peintre et de poète. C’est ces deux dernières dont il se coiffe pour une exposition présentée pour la première fois en France. Son titre, New Film Stills, fait référence à une série de 69 photographies-autoportraits de Cindy Sherman intitulée Untitled Film Stills datant de la fin des années 70. L’exposition consiste donc en une reprise des poses, costumes et cadrages de Cindy Sherman dans des photos où l’acteur se met lui-même en scène. Ces images sont complétées par des poèmes (traduits) de James Franco. Poèmes et photographies se rattachent donc chacun et chacune à une photographie précise de l’artiste américaine.
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Cette exposition est d’abord traversée par l’idée de remake. Le travail de James Franco est une reproduction de celui de Cindy Sherman. Décors, attitudes, vêtements, éclairages, coiffures et cadrages sont exactement reproduits. Mais ce n’est pas la première fois que James Franco a ce type de démarche. Comme Gus Van Sant avant lui, l’acteur a réalisé une reprise du film Psychose d’Alfred Hitchcock. Il s’y travestissait déjà en interprétant le personnage mythique de Marion Crane. La scène de la douche est d’ailleurs présente à la fin de New Film Stills. Alors, nouvelle création artistique, imitation sans intérêt ou simple hommage ? La réponse est dans ce qu’amène ce changement de personnage, cette substitution d’une femme par un homme, d’une artiste par un autre.
Un double regard masculin
La série de photographies de Cindy Sherman déployait un certain propos féministe. Ses autoportraits étaient en fait des portraits de femmes aux regards inquiets, fuyant l’objectif, les yeux tournés vers un hors-champ incertain et le corps figé dans une enveloppe et un environnement oppressants. Ces regards hors-champs semblaient être autant d’appels à une libération du cadre, à une libération des conventions sociales qui réduisaient le rôle de la femme à la bonne tenue du ménage et à la satisfaction des appétits sexuels masculins. James Franco fait le choix de remplacer cette femme par un homme, lui, et de commenter chacune des photos de Cindy Sherman par un poème, le sien. On a alors un double regard masculin qui embrasse l’œuvre de l’artiste américaine ; au sens littéral, le regard de Franco se substitue à celui de Sherman et, au sens imagé, chaque poème est l’expression du regard de James sur le travail de Cindy. Mais la tension faite d’une « inquiétante familiarité » qui habitait les photos originelles est ici neutralisée par la présence de cet homme qui, au lieu de tenter de se mettre à la place de ces femmes, semble parodier le travail de l’artiste.
James Franco singe, imite, prend plaisir à se maquiller et à jouer la femme à barbe. C’est un enfant qui joue avec l’univers d’une autre, qui joue avec son corps d’acteur, qui s’amuse de son propre travestissement. Il y a une dimension narcissique qui confine à l’érotomanie, dimension qui est aussitôt nuancée par le second degré et l’humour présents dans ces photographies. Si Cindy Sherman affirmait la liberté de la femme avec un immense talent, James Franco déclare son droit de s’emparer de l’œuvre d’une autre pour le plaisir de s’y mettre lui-même en scène. Un peu léger.
L’exposition est visible à La Galerie Cinéma, 26 Rue Saint-Claude, Paris 3e.
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