Honoré d’une grande exposition à la Cinémathèque, le cinéaste a donné le 4 avril une masterclass aux airs de haute distinction symbolique – bien que s’y soient aussi discrètement matérialisées les limites de sa reconnaissance.
“C’est le record de la plus longue standing ovation qu’on m’ait jamais faite !”, s’exclame un James Cameron poliment flatté devant les gradins pleins à craquer de la salle Henri Langlois, où vient de s’achever la projection de Terminator, et où il s’apprête à donner une masterclass suivie d’un dialogue avec la réalisatrice Alice Winocour – il a beaucoup aimé son Proxima, que la réalisatrice reconnaît elle-même comme un film sous haute influence cameronienne.
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La remarque est doublement parlante. D’abord parce qu’elle dit à quel point le cinéaste – qui a très certainement connu des ovations plus longues, mais plutôt dans des Comic-Cons que des musées – est sensible à la gratification honorifique d’une vénérable institution, qui manquait encore à son tableau de chasse. Ensuite parce qu’il est un peu gaguesque qu’il ne puisse, y compris au sujet d’une telle reconnaissance qualitative, s’empêcher de penser en quantités, et donc en records – lui qui possède déjà celui du box-office, du budget, du nombre d’Oscars…
À l’aise à l’oral, heureux d’amuser un parterre de fans dont certains avaient fait la queue depuis l’aube, James Cameron s’est essentiellement fendu d’anecdotes de tournage, de joyeux souvenirs de débrouille focalisés sur les années 80 de Terminator et Aliens (Winocour d’ailleurs osera lui demander : “êtes-vous resté fidèle au goût du risque de vos années de dénuement ?”, pour une réponse assez attendue sur l’extrême risque commercial de projets originaux comme Titanic ou Avatar, que l’on a tendance à oublier vu le succès obtenu) et d’imitations discutables de Schwarzie. Cameron a eu soin de corriger le récit de leur rencontre, rapportant comment un déjeuner lui offrit de voir en l’acteur – auquel il s’apprêtait d’ailleurs à refuser poliment le rôle du soldat humain Kyle Reese –, “un visage frappant, affectant une volonté inébranlable”, et lui donna l’idée de réécrire en direct tout le film pour lui donner le rôle du Terminator. La première scène tournée (celle de la traque dans le parking) lui confirmera ce qui est aujourd’hui une évidence, qu’il revendique crânement : “Arnold n’était pas Conan ; il était le Terminator.”
Des interrogations majeures non soulevées
Présenté dans une introduction aux mots choisis comme une sorte de démiurge prométhéen, c’est-à-dire un Trouvetou, mais avec une dimension de prophète capable de transfigurer l’ontologie du cinéma pour donner corps à ses visions, Cameron n’a cependant pas tout à fait été présenté comme beaucoup plus qu’un certes immense génie de la fabrication. On ressort de ces deux heures de célébration avec quelques interrogations majeures non soulevées – comme par exemple son rapport profond à la machine, sa vision de la frontière du vivant et du mécanique, centrale dans son œuvre et pourtant restée assez accessoire dans un dialogue plutôt placé sous le signe d’une question plus simple : “Comment avez-vous fait ?”
L’exposition L’Art de James Cameron durera jusqu’en janvier 2025. La Cinémathèque nous invite à en conjuguer la visite avec celle qu’elle consacre de manière permanente à Georges Méliès, deux étages plus bas. Rapport évident ; manière, aussi, de s’en tenir au premier métier de Cameron, celui de superviseur d’effets spéciaux.
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