Le journal du festival par Serge Kaganski. Mardi 15 mai, en fait.
En relisant mon journal d’hier, je me suis aperçu que j’avais omis de vous donner la solution du petit quizz Jean-François Kahn. Je suis certain que tout le monde a deviné la réponse. Pour les trois ânes qui n’ont pas trouvé, la voilà : JFK sera sélectionné en compète officielle en vertu de la loi des séries ? cette année il y a avait Cédric, et l’année dernière Esther. CQFD. (D’ailleurs, dans deux ans, on devrait voir sur la Croisette le gardien du Bayern, ça le changera du festival qu’il fait régulièrement dans ses cages). Je sais, tout ça est très lourd, très mauvais, mais m’emmerdez pas, je suis fatigué.
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Ce matin, pour la première fois du festival, j’ai pris un exemplaire du Film Français, le magazine des professionnels dont les piles sont disposées partout dans Cannes. A la fin, ils ont leur tableau des critiques, baromètre in progress de la compète officielle. Ce palmarès officieux est très instructif, parfois aussi très marrant. Vous avez ceux qui aiment quasiment tout, comme Pierre Vavasseur du Parisien, qui distribue pluie d’étoiles et palmes d’or à tous les films ; vous avez Philippe Rouyer de Positif qui a déjà attribué trois palmes d’or à mi-chemin du parcours ; vous avez ceux qui glandent, comme Charles Tesson des Cahiers qui n’a étoilé que la moitié des films passés jusqu’à présent (mais je suis de mauvaise foi, en fait, Tesson est sans doute arrivé plus tard au festival, ou bien il est très pris par les réjouissances des 50 ans de sa revue) ; sur les 14 critiques du panel, 3 seulement ont vu le chef-d’ uvre de Lanzmann ? citons-les : Pascal Mérigeau, Michel Rebichon et Charles Tesson ? et félicitations à tous les autres ; il y a Baignères du Figaro qui a décerné la plus mauvaise cote au remarquable Pau & son frère de Marc Recha, mais il n’est pas toujours à côté de la plaque puisqu’il a aussi mal coté La Répétition ; à propos, le film de Corsini est quand même crédité trois fois de 3 étoiles, ce qui constitue un grand sujet d’étonnement, car moi-même et tous les critiques avec qui j’ai conversé sommes unanimes sur ce ratage carabiné ; et il n’y a guère que Nicolas Schmerkin de Repérages pour filer 3 étoiles au controversé film de Claire Denis, pourtant une splendeur de cinéma et de mise en scène.
Vous allez me dire : mais que foutent les représentant des Inrocks, du Monde et de Libé ? Vous allez rire : ils ne font pas partie de ce panel qui s’appelle quand même les étoiles de la critique . Que doit-on conclure ? Que les services cinéma des Inrocks, de Libé et du Monde ne font pas partie de la critique ? Que Michel Ciment et Le Film Français ont ourdi un terrifiant complot visant à exclure le triangle des Bermudes du journal officiel ? Le Film Français a-t-il délibérément décidé d’affaiblir son panel en se privant des plumes les plus influentes, les meilleures et les plus lues dans le cinéland français (je parle là de Libé et du Monde). La vérité, c’est qu’on s’en cogne complètement (et j’imagine qu’au Monde et à Libé aussi).
Aujourd’hui, c’était dans les salles une journée américaine. The Pledge de Sean Penn, lourdaud, prévisible et décevant malgré quelques bribes intéressantes ; Mulholland drive de David Lynch, carrément dément, fantabuleux, minimum palme de diamant. Le soir, avec Mulet, Delphine, Agnès et deux pièces rapportées de la thèque, on est montés dans l’Espace pour filer à la fête Lovely Rita dans une bastide à dix bornes de Cannes centre. Galère pour trouver le chemin, on s’est paumés dans les ronds-points de Mandelieu. Mulet est pourtant de la région, c’est ici qu’il a volé ses premières mobylettes. Mais vingt-cinq ans après, il reconnaît plus rien : ?putain ! avant, y avait pas tous ces ronds-points de merde ! Avant, je cueillais les mimosas, là, pile-poil où y a le Décathlon?.
On appelle Fabienne et Amandine, les attachées de presse du film et hôtesses de la fête pour nous radio guider en direct. Il s’agit d’abord de trouver l’aéroport et notamment la maquette d’un avion. Mulet s’énerve au volant, insulte Amandine (qu’il s’obstine à appeler Clémentine), et on n’arrive pas à trouver cette satanée maquette. A un moment, je suggère à Mulet d’appeler Calou Arvieux : ?lui, il doit savoir où elle est la maquette !? (précision à ceux qui n’auraient pas percuté : Calou est le maquettiste des Inrocks). Finalement, on trouve le navion, et Amandine réussit à nous guider jusqu’aux affichettes signalétiques indiquant le chemin de la fête. Très pratiques les affichettes fléchées, surtout si on a des jumelles pour les lire. On arrive : il y a des vigiles antipathiques et des maîtres chiens partout, et on est accueilli par un spot aveuglant, genre phare de mirador : pas de doute, on est bien dans une fête autrichienne (de garde) ! Non, je déconne. Aux platines, Dorfmeister, le Daft viennois ; Punk/Kruder est resté en Autriche. La villa est somptueuse, immense : jardins en terrasse, piscine géante, vue sur la baie de Cannes. A un moment, Mulet a accompli un miracle ! Il matait une vieille dame affaissée dans un fauteuil roulant, il se moquait un peu en douce, quand soudain, la vieille dame s’est levée pour aller danser la pechno (plouc techno). On n’avait jamais vu ça depuis Lourdes. Mais Mulet, lui, a des témoins. Le miracle (et l’alcool) égaye la soirée, mais il fait frais, on connaît pas grand monde, il n’y a quasiment que des Autrichiens. Mulet, Delphine et moi décidons de repartir. Mulet semble avoir envie de pas se coucher trop tard pour travailler le lendemain. Il me lâche cette ultime sentence :?Kagan, je me demande si je suis pas en train de devenir un peu photographe?.
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