Ca se passe à l’hôtel Bristol, notre deuxième maison depuis que la plupart des stars américaines ont décidé d’y donner leurs interviews en mangeant des macarons. On raconte à Denzel Washington que de notre point de vue, l’histoire d’Unstoppable, le film de Tony Scott dont il est venu faire la promo, n’est pas seulement celle […]
Ca se passe à l’hôtel Bristol, notre deuxième maison depuis que la plupart des stars américaines ont décidé d’y donner leurs interviews en mangeant des macarons. On raconte à Denzel Washington que de notre point de vue, l’histoire d’Unstoppable, le film de Tony Scott dont il est venu faire la promo, n’est pas seulement celle du sauvetage d’un train fou qui menace de zigouiller une ville entière de Pennsylvanie. Et si ce train fou était celui de la finance devenue incontrôlable ? L’acteur nous impose un léger silence embarrassant, suivi d’un rire sonore décoiffant.
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« Ah, je n’y avais jamais pensé ! Le train de la finance qui vrombit à travers l’Amérique. Oui, c’est ça ! Vous avez eu trop de temps pour y réfléchir. »
Piqué au vif, on envisage de questionner la superstar aux deux oscars (meilleur second rôle pour Glory en 1990 et meilleur acteur en 2002 pour Training Day) sur l’approche de la retraite. Juste pour l’énerver. Après tout, son personnage dans le film est sur le point de plier les gaules. Mais Denzel adoucit l’atmosphère avec son exceptionnel sourire Ultrabrite. Le smile qui tue. Même l’attachée de presse américaine qui rédige ses mails nerveusement dans un coin de la pièce, tout en vérifiant qu’on ne pose pas de questions inconvenantes (t’as pas pris un peu de bide, Denzel ?), semble disposée à laisser passer n’importe quoi le temps de ce sourire.
L’acteur reprend tranquillement. « Oui, le film dresse le portrait d’une Amérique populaire qui lutte contre les grandes corporations. Dans certains endroits où nous avons tourné, le taux de chômage était de 70%. » La conscience ouvrière du cinéma américain existe donc. Depuis le début de sa carrière sur grand écran dans les années 1980, Denzel Washington a joué de manière répétée des hommes sans qualités. Dernièrement, cela ressemble presque à un motif.
« On ne m’a jamais demandé d’être un superhéros. Tant mieux, j’aime les mecs normaux. Ado, j’ai bossé à la Poste. J’ai ramassé les poubelles. J’attends maintenant de mon métier des aventures. »
S’il travaille souvent avec les mêmes (cinq films avec Tony Scott, quatre avec Spike Lee), Denzel Washington confesse son désir de tourner avec Scorsese, Gus Van Sant, Tarantino. Joli trio. Dans un Hollywood chloroformé, regrette-t-il, à l’image de nombreux créateurs actuels, la liberté créative mythique qui régnait durant les années 1970 ? Un ange passe. « Non ! Les Noirs ne travaillaient pas à Hollywood durant les seventies. Pas de liberté pour moi ! »
Denzel a rangé son sourire. Il faut dire que nous sommes le 3 novembre, lendemain de la défaite de Barack Obama aux élections de mi-mandat. Comment prend-il ce retour de bâton ? « Le coeur de la politique américaine est toujours dirigé par des Blancs. L’espoir, c’est que les petits Noirs, Hispaniques ou Asiatiques de 5 ans peuvent se dire maintenant qu’ils ont une chance d’arriver en haut. »
Mais que paie Obama ?
« D’abord, le peuple a tendance à reprendre le pouvoir qu’il a donné. Ensuite, la question raciale demeure. Les gens n’arrivent pas à s’y faire. Depuis quatre cents ans en Amérique, les Noirs ont été programmés par l’esclavage, les Blancs par l’esclavagisme. Indéniable. Enfin, le peuple n’a pas de boulot. Les démocrates ont poussé jusqu’au bout la réforme du système de santé. Même si elle est utile, ceux qui ont faim n’en ont rien à faire de leur santé. Je n’ai pas besoin de santé, puisque je n’en ai aucune. »
Denzel a dit « je » naturellement. Sincérité ou déformation professionnelle ? Pas le temps de le questionner. Juste un moment pour demander comment il voit l’Amérique des prochaines années.
« Clinton a réussi à se faire réélire, pourquoi pas Obama ? La pression est sur les républicains. J’espère qu’on évitera un blocage du pays pendant deux ans, comme certains le redoutent. »
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