Une large rue de la banlieue coolos de Nashville où défilent les joggeurs. Voilà la maison d’Harmony Korine, réalisateur (Gummo) et scénariste (Kids de Larry Clark). Une maison qui ressemble à celles vues dans les films qui se passent dans les petites villes d’Amérique. La porte est ouverte. Sur le porche, une poussette. « Hey, rentre […]
Une large rue de la banlieue coolos de Nashville où défilent les joggeurs. Voilà la maison d’Harmony Korine, réalisateur (Gummo) et scénariste (Kids de Larry Clark). Une maison qui ressemble à celles vues dans les films qui se passent dans les petites villes d’Amérique.
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La porte est ouverte. Sur le porche, une poussette. « Hey, rentre mais fais pas de bruit, ma petite dort, c’est quoi que tu tiens entre les mains ? » Ben, c’est un cadeau… « Cool, merci. Ah, des affiches de country, chouette. Johnny Cash, Hank Williams. Merci, mec. » C’était un cadeau pour des amis…
A voix basse, Harmony Korine propose d’aller faire un petit tour dans son 4×4 beige flambant neuf – où il met d’emblée du hip-hop à fond les ballons.
« Ah tu connais ça, c’est Yelawolf, un rappeur de l’Alabama qu’Eminem vient de signer sur son label. Je n’écoute plus que du rap, les guitares tout ça, c’est terminé pour moi (du coup, le cadeau, hein…). Même pour les clips, je ne fais plus que du hip-hop. Et encore, il faut que je puisse caser au moins dix paires de fesses dedans. Oh, Waka Flocka Flame, j’adore ce groupe », explique-t-il en tapant sur son volant.
Pause dans une sorte de resto bio, d’où il ramène deux cafés glacés et un magazine sur les animaux de compagnie. « Regarde, c’est Paw, pour moi c’est le meilleur journal du Tennessee. » Comprenez que tout ce qu’Harmony dira ici n’est pas forcément vrai – pas forcément faux non plus.
La voiture redémarre, la visite commence. « Là, juste sur ta droite, c’est une salle de fitness tenue par des anciens de la Nation of Islam, qui t’insultent généralement quand tu es blanc. Ils te disent : ‘Allez, fais-moi une cinquantaine de pompes, sale punk, bouge-toi les fesses, cracker.’ Et ça te motive à fond mec : ils combinent une certaine culture de la haine à une vraie ambiance militaire. Bon, au final il n’y a que des Asiatiques qui viennent, mais du coup ils repartent avec une bonne condition physique. »
On passe devant sa maison natale.
« Avant, c’était un quartier noir. Aujourd’hui, avec l’embourgeoisement, c’est un quartier presque bobo, comme vous dites en France. Les Blancs ont tout foutu en l’air, je te le dis. »
Harmony Korine parle de son dernier film, Trash Humpers, jamais sorti en France mais récompensé au dernier festival de Toronto. « C’est dommage, je pensais que vous étiez un peu plus courageux. » Aux Etats-Unis, ça a marché comment ? « Pas mal, au moins l’équivalent de la recette d’Avatar dans un gros multiplex du New Jersey. » Il éclate de rire et montre un magasin d’armes. « Mon Dieu, ici j’ai vu un attardé mental acheter une grenade. Flippant. »
Ensuite c’est Music Row, un quartier où se regroupe la majorité des studios de la ville. Puis une échoppe très bizarre où l’on peut se marier en vitesse, comme à Las Vegas. « C’est tenu par des lesbiennes qui portent des moustaches. Un endroit génial. »
Les anecdotes s’enchaînent avec les rues : un parc où l’on a retrouvé la tête d’un ami à lui (seuls 5% de ses amis d’enfance auraient survécu – l’un d’eux lui a récemment envoyé un scénario de 400 pages écrit à la main et qui mettrait en scène des hamsters dans un film en 3D) ; une salle de concerts réservée aux groupes tsiganes, puis l’endroit où fut prise la photo de la pochette de l’album Nashville Skyline de Bob Dylan (et où les trois quarts des jeunes de la ville viendraient se faire dépuceler – ou se masturber). Il est 13 heures, Harmony Korine arrête la voiture devant chez lui.
Le taxi qui doit nous mener à l’aéroport est là. Le type s’appelle Gene et a une sacrée dégaine. « Hey mec, file moi ton numéro, je vais te mettre dans un film. » Gene s’exécute, on grimpe dans le tacos et Harmony Korine fait des petits signes d’au revoir.
Pierre Siankowski
Umshini Wam court métrage sur Die Antwoord, sera projeté le 15 mars au festival South by Southwest (du 11 au 20 mars, Austin, Texas)
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