“Oh wonderful, je crois que Russell va adorer ça !”, nous confie, dans le couloir de l’hôtel londonien où nous attendons notre tour pour interviewer Russell Brand, une dame d’un certain âge que nous prenons d’abord pour son attachée de presse – elle se révélera être sa maman. Ce que son fiston, donc, risque d’apprécier, […]
« Oh wonderful, je crois que Russell va adorer ça !”, nous confie, dans le couloir de l’hôtel londonien où nous attendons notre tour pour interviewer Russell Brand, une dame d’un certain âge que nous prenons d’abord pour son attachée de presse – elle se révélera être sa maman. Ce que son fiston, donc, risque d’apprécier, c’est une interview en forme de blind-test que nous lui avons concoctée pour la sortie de Rock Forever, où il joue un petit rôle d’organisateur de concerts. Après Sans Sarah, rien ne va ! et American Trip, le voilà à nouveau dans un film qui tourne autour de la musique ; et si celui-ci célèbre le gros rock qui tache, c’est sur des morceaux de gourmet que nous avons décidé de l’interroger. La règle est simple : une chanson, une anecdote.
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C’est parti, avec Les Kinks, All Day and All of the Night.
“Bon choix : j’adore les Kinks. C’est du rock de banlieue qui raconte la vie banale avec plein d’humour. Avec mes potes, dans mon Essex natal, on chantait cette chanson à tue-tête, en fumant de l’herbe dans une voiture. C’est bizarre, ça me rappelle aussi une histoire avec mon pote Davis, qui s’était fait gauler par sa mère avec cinq filles au lit. Cinq filles, putain ! A 16 ans ! T’imagines ?”
Pas trop, non, mais ça ne nous empêche pas de passer à la chanson suivante : T. Rex, 20th Century Boy. “Bolan et Bowie ont précédé le genre de musique qu’on entend dans Rock Forever. C’est ce qui résonne le plus en moi. Un jour, une médium m’a dit que le fantôme de Marc Bolan était mon guide spirituel. C’est bien vu, non ? Sauf que tout le monde sait que les médiums disent aux gens ce qu’ils veulent entendre : ce jour-là, je portais un manteau en fourrure, torse nu, avec un chapelet et une bouteille de vodka à la main – forcément…”
On enchaîne avec Nirvana, qui inspire moyennement notre homme. On songe alors à lui passer un morceau de son ex, Katy Perry (ou à lui demander “c’était quoi vos teenage dreams ?”), mais ce serait un coup bas – pas notre genre, et de toute façon, maman Brand veille derrière la porte, prête à bondir. Ce sera finalement I’ve Told Every Little Star de Linda Scott, un standard easy-listening qu’on entend dans Mulholland Drive de David Lynch, quand le réalisateur, joué par Justin Theroux, auditionne des actrices. Pourquoi ? Parce que le premier est, paraît-il, un de ses amis, tandis que le second a écrit le scénario de Rock Forever.
“Je connais David grâce à la méditation transcendantale et on est devenus très potes. L’autre jour, il m’appelle et me dit (il imite la voix de Lynch – ndlr) : ‘Hey Russell, y a des colibris dans mon jardin… Et je communique avec eux tu sais… je fais un son et ils me comprennent…’ Il me rappelle une heure après, et j’entends à sa voix qu’il est déçu : ‘Russell, c’est David. Je viens de passer au studio, et tu sais quoi ? Mon pote Gene m’a dit que les colibris avaient l’instinct territorial… ça veut dire que ce qu’ils essayaient de me dire c’était probablement ‘Barre-toi !’”
Avant de confier Russell à sa maman, un petit Smiths, Asleep. “C’est ma chanson préférée des Smiths, nous dit-il, visiblement ému. Ça me rappelle l’époque où j’étais accro à l’héroïne et où je vivais dans un appartement au-dessus de mes moyens. Ma copine d’alors venait de me plaquer et je me retrouvais là, comme un con, dans un appart vide, le loyer pas payé depuis des mois, à écouter cette chanson en fumant de l’héro. Et je vois encore les larmes glisser sur le petit tas de poudre devant moi… Morrissey n’aurait pas imaginé meilleure anecdote, non ? Je demanderai à ce qu’ils la passent à mon enterrement, tiens.”
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