Quels sont tes films fétiches ? Récemment, j’ai beaucoup aimé La Vie de Jésus de Bruno Dumont. Ma région d’origine est le Nord et je suis complètement en prise avec ce patois pour mon spectacle Cafougnette et le défilé. Or, contrairement à ce qu’on imagine, le patois n’est pas forcément façonné dans l’ancien et la […]
Quels sont tes films fétiches ?
Récemment, j’ai beaucoup aimé La Vie de Jésus de Bruno Dumont. Ma région d’origine est le Nord et je suis complètement en prise avec ce patois pour mon spectacle Cafougnette et le défilé. Or, contrairement à ce qu’on imagine, le patois n’est pas forcément façonné dans l’ancien et la tradition. En fait, il y a toujours une sorte de blessure à entendre les gens d’ailleurs réagir à cet accent uniquement dans la poilade. Dumont, lui, rendait magnifiquement hommage à ce parler et à sa gravité, ça m’a touché… A part ça, il y a les maîtres : Abbas Kiarostami, Satyajit Ray. Quand l’un de leurs films vous atteint, c’est dans une proximité incroyable. Mais il y a aussi des grandsà côté desquels je suis passé. Antonioni par exemple ne m’a jamais rien fait. Voir les films de ces grands maîtres, c’est comme regarder le ciel. « Tu n’as pas vu l’arc-en-ciel cet après-midi ? » Et puis il y a des jours où les nuages se dégagent magnifiquement et alors on a la chance de le voir. C’est comme un éclair, c’est assez fugace. Cela dit, je ne me réfugie jamais dans les hauteurs esthétiques, parce qu’un acteur se doit d’être près du goût des gens. Il faut être éclectique mais je ne dis pas que je vais aller voir Taxi, n’exagérons rien… Récemment, j’ai été surpris de n’entendre personne apprécier la qualité de jeu qu’a obtenue Almodovar de ses acteurs dans En chair et en os. Chez certains Anglais aussi, il y a un univers de jeu très intéressant, et je suis effondré qu’on n’en parle pas. Même les acteurs de Full monty : c’est extraordinaire ce qu’ils font. Chez les Français, je voudrais insister sur la capacité de Tavernier à toucher à une large diversité de sujets. Surtout si on compare à tous les autres qui racontent toujours le même poil de cul de sujet. Je pourrais parler aussi de Philippe Garrel ou Claire Denis qui créent leur monde ils ont vraiment une place à part. Tellement de films sont simplement bâtis sur le contentement du spectateur… Il faudrait toujours savoir retarder les petits réflexes conditionnés du public.
Vers qui vont tes préférences en musique ?
J’aime bien passer de choses très directes à des choses plus sophistiquées. J’écoute le jazz comme la variété, en passant d’un morceau à l’autre. Je ne m’assois jamais religieusement. Je trouve que la musique est le domaine où les métissages ethniques marchent le mieux. Dans ce registre, j’adore ce qu’a fait David Byrne avec Brian Eno. Bien sûr, Tom Waits est absolument indispensable. Il a un rapport avec une théâtralité, un grandiose d’occase qui vient du cabaret. Il dit « Je déclare que c’est la plus grande scène du monde » et il le fait sur 40 cm (2). Je peux aussi réécouter Mike Brant : ça me renvoie à des choses. Autre chose ? Il y a trois ans, je me suis fait une cure de Canadiens : Charlebois, Vignault.
Tu es aussi éclectique en littérature ?
Mes parents m’ont élevé dans ce réflexe d’aimer des choses partout. Il y a donc une grande place pour la poésie. Là, comment citer un nom plutôt que l’autre ? Peut-être Baudelaire, Les Fleurs du mal. A la maison, il y a toujours un exemplaire ouvert. Mais aussi de la poésie contemporaine : Jacques Darras, essentiel, ne serait-ce que par sa façon d’écrire le Nord. Je travaille aussi avec Ludovic Janvier. On rêve à un spectacle où il n’y aurait que son texte et une trompette comme dans Ascenseur pour l’échafaud. J’ai aussi travaillé Alexandre Vialatte pour un concert avec les Zivaros, et là, j’essaie d’entamer quelque chose avec Hervé Prudhon pour la scène. Voilà pour mes lectures « utiles »… Mais je suis aussi remué dans ma chair par Bergougnioux. Même Giono m’a été « tripalement indispensable ». Giono, ce n’est pas que Regain, c’est aussi La Pastorale. Et puis, ce n’est pas parce qu’on parle de la France, des villages, qu’on est pétainiste. Je réfute ces amalgames. Tout part à la poubelle, ça m’énerve… J’ai aussi lu Guitton avec un rare plaisir. Récemment, j’ai également été touché par la finesse de Marie Desplechin.
Tu t’intéresses à la peinture ?
Beaucoup. Pour moi, toute balade à Anvers doit se prolonger d’un parcours dans les musées. Voir la Vue de Delft de Vermeer, c’est un moment d’extase qui te coupe le souffle.
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